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Fédérations l Pourquoi tant d’affaires ?

Photo du rédacteur: Nicolas KssisNicolas Kssis
Depuis quelques mois, les affaires se multiplient dans différentes fédérations françaises. Si tout a commencé du côté de la FFF, l’onde de choc secoue l’ensemble du mouvement sportif. Et elle amène à se demander comment les fédérations peuvent assurer une gouvernance démocratique et transparente alors que les enjeux financiers et de pouvoir dictent de plus en plus leur agenda ?

11/01/23, action des Dégommeuses devant le siège de la FFF... © Dégommeuses

Par une standing ovation. Voilà de quelle manière Noël Le Graët, le président de la FFF (Fédération française de football) depuis plus de dix ans, a quitté son poste après une réunion de sa Comex (Commission exécutive) fin février dernier.


Il est pourtant au cœur d’accusations lourdes : plan social non justifié en plein confinement, gestion autoritaire, dérapages dans sa communication et soupçons de harcèlement sexuel et moral qui ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire… Des charges étayées dans un rapport commandé par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques auprès de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche et dont les principaux enseignements ont largement fuité. Mais rien n’a véritablement changé depuis. Hormis Jamel Sandjak, le président de la Ligue Paris-Île-de-France de la FFF, personne n’a jugé bon de démissionner de la Comex et Philippe Diallo, le successeur de Noël Le Graët, est un de ses affidés.


L’ancien maire socialiste de Guingamp, âgé de 81 ans, occupe désormais une place dans le bureau parisien de la Fédération internationale de football et fréquente toujours assidûment le siège fédéral de la FFF. Noël Le Graët est d’ailleurs persuadé d’être victime d’un règlement de compte politique de la part de la ministre Amélie Oudéa-Castéra. Il avait même expliqué, dans une interview publiée dans les colonnes du quotidien Le Monde juste après sa démission, avoir souhaité que le président de la République, qui l’a appelé personnellement pour lui assurer son affection, « freine » la responsable du ministère.


Pas que la FFF

Si la crise que traverse le foot français est impressionnante, celle qui touche le ballon ovale s’avère tout autant édifiante. En décembre 2022, Bernard Laporte, l’ancien président de la Fédération française de rugby, a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour corruption passive et trafic d’influence.


Ex-ministre des Sports sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il a tout fait pour rester sur son siège avant de devoir le céder (encore) à un proche. Et Bernard Laporte reste influent en coulisse. Fabien Galtié, l’entraîneur du XV de France, lui a ainsi dédié la victoire historique contre les Anglais lors du dernier tournoi des Six nations…


Autant d’informations qui donnent du sport fédéral l’image d’un monde dominé par l’entre-soi, essentiellement masculin, hermétique à toute critique. Un univers clos qui brandit l’apolitisme dès qu'il s’agit de protéger ses intérêts et les siens alors que chaque mois apporte sa nouvelle affaire. En février dernier, ce fut au tour de la FFT (Fédération française de tennis), la plus riche de toutes avec un chiffre d’affaires de 378 millions d’euros en 2022, de se trouver au cœur de la tourmente.


« Après les révélations de Mediapart et RMC Sport attestant d’un climat social dégradé, la dizaine de témoignages de salariés et d’élus recueillis (...) fait état de graves dysfonctionnements managériaux », écrivait Le Monde quelques semaines plus tard..

Or parmi ses anciennes dirigeantes se trouve l’actuelle ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.


Afin d’éviter tout conflit d'intérêt, un décret daté du 4 août 2022 empêche Amélie Oudéa-Castéra, qui espérait, dans une tribune parue dans Le Monde en mars 2023, « promouvoir une gouvernance irréprochable du sport français », d’exercer une tutelle sur la FFT. De même pour la banque Société générale qui est dirigée par son mari. Mais Mediapart a néanmoins révélé, le 7 avril dernier, que la ministre ne s'était « pas déportée du dernier Conseil du groupement d'intérêt public préparant la Coupe du monde de rugby » quand il a « débattu de la perte enregistrée sur un placement à la Société générale ».


La place de l’éthique

Et les affaires éclaboussent l’ensemble du mouvement sportif. Les problèmes de la Fédération française de football rejaillissent par exemple sur le Comité national olympique et sportif français où Brigitte Henriques, ancienne vice-présidente de la FFF avant de devenir la première femme élue a la tête de la principale instance du sport français, doit affronter une fronde persistante.


Dans un article de L’Équipe daté du 4 avril dernier, elle a dénoncé une « campagne de déstabilisation (...) alimentée par des allégations mensongères qui sèment le trouble ». En cause ? Son rôle, lorsqu’elle était en poste la Fédération, face aux cas d’Angélique Roujas, ancienne entraîneure coupable d'avoir eu des relations sexuelles avec de jeunes joueuses, et de Jacky Fortepaule, un ancien dirigeant de la FFF qui a commis des agressions sexuelles sur six femmes et pour lequel elle avait signé une lettre de caution en 2018.


« Ces scandales montrent les limites de la gouvernance de fédérations qui fonctionnent de façon clanique », pouvait-on lire dans un éditorial du Monde du 12 janvier 2023.

« Ceux qui devraient exercer un contre-pouvoir sont souvent des obligés de présidents inamovibles. Quant aux Comités d’éthique, leurs prérogatives sont limitées. »

Derrière ces histoires, on trouve finalement souvent les mêmes problématiques : un exercice autoritaire du pouvoir, l’absence de contrôle des instances dirigeantes, la montée des enjeux financiers et, parfois, des rivalités internes. Nous sommes donc bien loin des interrogations essentielles qui devraient être au cœur de l’action des fédérations sportives…


C’est d’ailleurs sur cet aspect qu’Amélie Oudéa-Castéra a mis l’accent lors du lancement du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport (lire encadré ci-contre). « À l’approche d’échéances historiques pour notre pays, il est de notre devoir de promouvoir une gouvernance du sport irréprochable sur le plan de l’éthique, de la vie démocratique et de la responsabilité sociétale », assurait la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 29 mars dernier dans les locaux de l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance.


Toutefois, devant l’urgence de résoudre la crise de gouvernance, il existe également une tentation de se tourner vers des modèles, soi-disant, plus efficaces qu’une autorité indépendante sous l'ombrelle du ministère. « Pourquoi le ministère alors que nous sommes plus proches des entreprises dans nos fédérations ? » se demandait justement Stéphane Nomis, le président de la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées, lors d’une table ronde organisée par L’Équipe le 8 février 2023. « Je pense qu'il y a un ministère des Sports et qu'il faut relancer son pouvoir », rétorquait Emmanuelle Bonnet Oulaldj, coprésidente de la FSGT. Et ainsi permettre aux Français·es d’avoir de nouveau confiance dans toutes leurs fédérations sportives.


 

Éthique & vie démocratique : création d’un Comité national

Le 29 mars dernier, la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques Amélie Oudéa-Castéra a annoncé la création d'un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport. Sa direction a été confiée à Marie-George Buffet, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports, et Stéphane Diagana, champion du monde du 400 m haies en 1997. Les autres membres de ce Comité sont : Arsène Wenger, ancien joueur et entraîneur de football, Stéphanie Frappart, arbitre internationale de football, Jean-François Lamour, double-champion olympique d'escrime, Isabelle Autissier, première femme à avoir effectué une course autour du monde à la voile en solitaire, Emmanuelle Assmann, escrimeuse médaillée de bronze aux Jeux paralympiques 2004, Béatrice Barbusse, enseignante-chercheuse en sociologie à l’Université Paris-Est Créteil, Brigitte Deydier, judokate française triple-championne du monde, Jacques Donzel, inspecteur de la Jeunesse et des Sports de 1971 à 1983, Bernard Foucher, conseiller d’État honoraire, et Franck Latty, professeur agrégé de droit public à l’Université Paris Nanterre. Selon le ministère, leur mission est de fournir, d’ici l’automne 2023, des propositions concernant « la gouvernance du sport plus éthique, une meilleure vitalité démocratique au sein des instances et une protection renforcée des pratiquantes et pratiquants, notamment contre toutes les formes de violences et de discriminations ». Signalons au passage que certaines des membres de ce Comité (Stéphanie Frappart, Brigitte Deydier ou encore Béatrice Barbusse) connaissent très bien la FSGT…



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