Stéphane Passeron, porte-parole de No-JO, nous explique pourquoi ce collectif est opposé aux Jeux d’hiver de 2030.

Pouvez-vous nous présenter rapidement le collectif No-JO ?
Stéphane Passeron : Il s’agit d’un rassemblement très large qui agrège toutes les bonnes volontés d’individus et d’associations, de partis politiques ou de personnalités autour du refus de l’organisation des Jeux d’hiver en 2030 dans les Alpes. Il prolonge un certain nombre de luttes locales, essentiellement environnementales. Notre combat s’inscrit d’ailleurs, il faut le préciser, dans un cadre plus vaste que le seul refus des JO. Personnellement, je suis un ancien athlète de haut niveau en équipe de France de ski de fond. Au regard de mon passé, cela me fait mal d’avoir cette position... Mais je refuse simplement le déni. On vend du rêve, on promet de belles images, avec l’exemple de Paris en 2024. Toutefois, après quinze jours de fête, nous aurons tous très mal à la tête et pour longtemps. Sur les deux dernières années, nous avons dépassé la limite de 1,5°C de réchauffement fixé par l'accord de Paris, signe d'une hausse des températures continue et inédite dans l'histoire moderne. Et l’année 2024 a bel et bien été la plus chaude jamais enregistrée. Ce triste et incontestable constat vient appuyer les cris d’alerte du Giec.
Où en sommes-nous de l’organisation des JO 2030 ?
Stéphane Passeron : Ils sont terriblement à la bourre. Du jamais-vu pour des Jeux, même d’hiver. Il est donc légitime de se demander comment ils peuvent y arriver en si peu de temps ? Cette candidature s’effectue, depuis le début, dans la précipitation et les maîtres d’œuvre sont constamment dans le jus pour l’installation du comité d’organisation ou les garanties que doit fournir l’État. Au départ, les promoteurs de ce grand rêve visaient 2034. Cependant, aucun candidat ne s’est manifesté pour l’édition de 2030, et la France en a donc hérité. Mais l’olympiade aura lieu dans à peine cinq ans… D’habitude, les JO réclament le double de temps en termes de préparation et de mise en place, au regard de la complexité de ces dossiers. Par quel miracle espère-t-on cette fois y parvenir en si peu d’années, sur le plan financier, pour construire ou aménager les infrastructures ? Clairement, l’agenda politique de certains l’emporte sur toute autre considération, y compris les réticences explicites de Bercy.
Quelles sont les principales raisons de s'y opposer ?
Stéphane Passeron : Les défenseurs du projet nous expliquent que nous allons faire la fiesta dans la neige. Or cette année, il pleuvait jusqu’à 2 000 mètres d’altitude en janvier, période censée être la plus froide... Regardez la situation au Grand Bornant, où doivent en partie se dérouler les épreuves de biathlon. Elles vont avoir lieu sur du gazon, sauf si on recourt massivement, comme c’est déjà fréquent, à de la neige artificielle. Derrière cette aventure olympique, les motivations se révèlent de toutes façons purement économiques. Il s’agit surtout de faire perdurer le système des années 1970, celui de l’or blanc. Malheureusement, les faits sont têtus. Seule solution : le déni, car il ne reste de neige naturelle, pour le moment, qu’en haute montagne. Bref, ces JO sont d’abord une opération marketing. Naturellement, les promoteurs nous citent en exemple Paris 2024. Toutefois, on se rend de plus en plus compte que les bilans des Jeux, y compris économique, sans parler des retombées pour la population, s’avèrent des plus mesurés, sans parler de l’empreinte carbone globale.
La situation climatique est-elle si grave ?
Stéphane Passeron : À moins d’être un climato-sceptique forcené, impossible de refuser l’évidence. J’habite à 1 400 mètres d’altitude. Quand j’étais enfant, nous descendions à l’école en luge l'hiver. Aujourd’hui, les gamins effectuent le trajet en trottinette. Et on sait bien que pour tout installer en seulement en cinq ans, il ne faudra pas y aller avec le dos de la cuillère, faire voter en toute précipitation des lois d’exceptions, économiques ou environnementales, qui vont empirer les choses.
Votre collectif souligne aussi l’absence de concertation démocratique...
Stéphane Passeron : Si la population avait été consultée et avait donné son accord, ok, on irait dans le mur, mais tous ensemble. Or ce ne fut absolument pas le cas. Les deux présidents de régions impliqués, Renaud Muselier pour la Sud-Paca et Fabrice Pannekoucke pour l’Auvergne-Rhône-Alpes, qui nous ont engagés dans cette affaire, n’en avaient jamais parlé auparavant et certainement pas durant les élections. Et la pression politique est énorme. Comment un maire d’une petite commune peut s'opposer aux JO quand il a besoin de la région pour les transports scolaires ? Les sondages indiquent entre 60 et 80 % de refus chez les habitants des zones concernées. Nous voulons juste que soit proposé et mis en place un vrai débat démocratique. Cependant, l’instabilité gouvernementale n’aide pas non plus.
Vous regrettez les importantes sommes d’argent qui vont être englouties dans ces JO alors que les véritables enjeux pour l’avenir de la montagne ne sont pas pris en compte...
Stéphane Passeron : Le budget des Jeux d’hiver ne cesse d’augmenter. Nous sommes au-delà des trois milliards d’euros pour le moment. Des rapports de l’Inspection générale des finances annoncent 800 millions de déficit que la puissance publique devra couvrir. L’urgence serait au contraire d’investir dans la transition de ces territoires vers d’autres modèles de développement et de vie. Il faudrait utiliser ces fonds pour anticiper de quelle manière habiter durablement les Alpes dans les trente prochaines années. Sinon, il faudra bientôt installer des centrales nucléaires pour fabriquer de la neige…
FSGT : un point de vue local
Jean-Claude Poirier, président du comité FSGT des Alpes-Maritimes, a proposé un texte sur la question des JO 2030, qui a reçu le soutien de la commission fédérale d’activités sports de neige et de la ligue régionale Sud-Paca. En résumé, la ligne directrice de cette contribution est « adhésion, mais vigilance ». Demandant « aux conseils régionaux Sud-Paca et Aura de faire pression sur le CNOSF et le CIO pour la réduction des coûts », Jean-Claude Poirier fixe un certain nombre de critères pour soutenir le projet olympique : utiliser des structures existantes, respecter la nature et l’environnement, transformer les hébergements créés pour les Jeux en logements sociaux et permettre à la fédération d’être présente dans les deux villages olympiques qui seront créés, à l’instar de ce qui s’est fait à Paris. Rappelant les expériences précédentes (Chamonix 1924, Grenoble 1968 et Albertville 1992) qui ont « laissé un bilan négatif au niveau des coûts et des installations », le président du comité des Alpes-Maritimes souligne l’ambition indispensable pour les JO 2030 d’éviter cet écueil et de devenir « un exemple pour tous les pays futurs organisateurs ». Dans ce cadre, il précise que la FSGT doit être « force de propositions pour que le sport populaire ne soit pas absent de la construction et du succès de ces Jeux ».
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