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Dimitri Manessis | « Rino Della Negra résonne au-delà du 93 »

Dernière mise à jour : 3 avr.

Fusillé le 21 février 1944 par les Allemands, Rino Della Negra est devenu une icône dans la mémoire du football français. Le nom de ce membre du groupe Manouchian des FTP-Moi est souvent cité ou évoqué, mais rares sont les personnes à vraiment connaître son parcours... Aux côtés de son collègue Jean Vigreux, l’historien Dimitri Manessis a donc écrit un livre (Rino Della Negra, footballeur et partisan aux éditions Libertalia) sur la trop brève existence de ce héros du peuple et du ballon rond, ainsi que sur la postérité actuelle de son sacrifice. En trois passes, il nous décrit les diverses facettes de ce jeune résistant qui fut d’ailleurs un temps licencié dans les rangs de la FSGT...

© Merlin Dauget

Pouvez-vous nous dire qui était Rino Della Negra ?

Dimitri Manessis : Rino Della Negra est un jeune homme d’origine italienne, sa famille vient de la région du Frioul, naturalisé français en 1938. Il s’agit aussi d’un ouvrier métallurgiste passionné de sport et de football. Il naît en 1923 à Vimy dans le Pas-de-Calais, mais ses parents s’installent rapidement à Argenteuil (Val-d’Oise), dans un espace qui va devenir la « banlieue rouge », cette ceinture de communes ouvrières progressivement administrées par des municipalités communistes. Ils vivent en outre dans le quartier de Mazagran, largement dominé par la présence d’une forte immigration italienne antifasciste, et qui sera un haut-lieu du Front Populaire dans la ville. L’ambiance de son « coin » marquera fortement la formation de la conscience du jeune Rino. Pris ensuite dans des circonstances exceptionnelles, celles de l’Occupation, il va devenir un combattant contre le nazisme au sein des FTP-Moi (Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée), groupe de résistance armée recruté parmi les travailleurs et travailleuses immigré·es du (ou proche du) Parti communiste français. En 1943, il rejoint également les effectifs du Red star de Saint- Ouen (Seine-Saint-Denis) « maintenu » – le régime de Vichy ayant drastiquement réglementé le sport professionnel et imposé des équipes régionales - alors qu’il est déjà entré en clandestinité...


Quel était son rapport à la FSGT ?

Dimitri Manessis : Rino Della Negra va briller dans une association FSGT issue de l’union d’un club communiste de la FST et d’un club socialiste de l’USSGT* : la Jeunesse sportive Jean Jaurès d’Argenteuil. Structure omnisports et mixte, la JSJJA est partie prenante des enjeux politiques de l’époque, et participe notamment à la solidarité avec l’Espagne républicaine, via par exemple des collectes de vêtements. Della Negra l’intègre en 1940, au sein d’une FSGT « épurée » de ses éléments communistes et dont la direction soutient la Collaboration. Pourtant, ce tissu associatif reste investi par de nombreux militant·es entré·es dans la Résistance. Nul doute que son passage au sein de la sociabilité sportive ouvrière a joué un rôle supplémentaire dans la prise de conscience et l’engagement de Rino Della Negra.


Comment expliquer que son nom resurgisse aujourd’hui ?

Dimitri Manessis : La redécouverte de la figure de Rino Della Negra, fusillé en février 1944 avec les 21 autres membres du groupe Manouchian, remonte au début des années 2000. Un historien de Saint- Ouen a remis la lumière sur son cas et son passage au Red star. De plus, les supporters et supportrices de ce club vont réinvestir le personnage, sa symbolique et le mettre en avant car il incarne un certain nombre de valeurs et de combats qu’ils considèrent les leurs comme l’antifascisme... C’est d’ailleurs grâce à l’appropriation de ce patronyme prestigieux, ils iront jusqu’à nommer le Kop du stade Bauer en son hommage, que nous avons pu écrire ce livre. Ces supporters ont redonné une visibilité à ce membre méconnu des FTP-Moi, en fusionnant une mémoire militante nationale et sportive locale. Désormais, le nom de Rino Della Negra résonne au-delà même de la Seine-Saint-Denis, et est l’illustration tragique d’un engagement antifasciste émancipateur toujours d’actualité.


* En 1934, la Fédération sportive du travail, proche des communistes, et l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail, fondée par des socialistes, s’unissent et donnent naissance à la FSGT.




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