« Les objectifs du séminaire ont été atteints... »
- Nicolas Kssis
- 30 avr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 avr.
Deux des organisateurs du Séminaire Alice Milliat reviennent sur cet événement et le lancement de l’Université du sport populaire.

Conjointement organisée par des syndicats (la CGT et le Snep-FSU), le Centre EPS & société, l’Anestaps (Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives), la Sorbonne Nouvelle, le podcast Vent Debout et, bien sûr, la FSGT, l’Université du sport populaire a officiellement été lancée à l'occasion du Séminaire Alice Milliat. Organisé le 4 avril dernier à Paris, cet événement a réuni plus d'une centaine de personnes. La parole est maintenant donnée à deux des maîtres d’œuvre de ce séminaire et de l’université : Michel Fuchs, secrétaire général du comité de Paris, et Yves Renoux, militant de la montagne-escalade FSGT
Pouvez-vous nous raconter l’origine de l’Université du sport populaire ?
Michel Fuchs : La genèse se situe du côté des copains et copines de la grimpe FSGT. Considérant qu’il n’y a pas suffisamment d’activités sportives, y compris chez nous, où les pratiquants s’inscrivent dans un projet associatif d’émancipation et d’autogestion, ils/elles ont exprimé la volonté de partager leur expérience et de travailler avec d’autres acteurs et actrices pour analyser une pratique de l’escalade qui pourrait être source d’inspiration. Le deuxième point de départ repose sur les relations créées avec la Sorbonne Nouvelle. Cela nous a permis d’utiliser gratuitement un de leurs amphithéâtres.
À quel(s) besoin(s) répond cette université ?
Michel Fuchs : Il s’agit de réfléchir à l’articulation des thèmes « sport », « émancipation » et « politisation ». Nous sommes trop absorbés par la gestion quotidienne des activités et notre vie associative est insuffisamment politisée. Au comité de Paris par exemple, on ne passe pas assez de temps à réfléchir sur les contenus et le sens de nos pratiques. Et si c’est pour faire du copier-coller des fédérations françaises, quelle est la raison d’être de la FSGT ?
Yves Renoux : Oui, il est important de créer des espaces de réflexion, de recul et d’enrichissement, ainsi que de convergence, entre les militants et les organisations qui travaillent sur ces thématiques et de répondre à cette question : Comment éprouver la joie de la pratique sportive en participant aux changements de la société dans une perspective d’un humanisme vraiment pour tous et toutes ? Le succès du Séminaire Alice Milliat prouve que nous répondons à un besoin qui dépasse largement le cadre de la FSGT.
Quels furent justement les points forts du séminaire ?
Yves Renoux : Je tiens à souligner, au préalable, l’important engagement des forces militantes et salariées de la FSGT. Autres réussites : le thème sport/émancipation/politisation, qui a trouvé un réel écho, et les nombreux sujets abordés, comme celui du port du voile dans les activités physiques. On peut également noter la belle affluence lors de la journée, la venue d’associations queer-féministes, le carnet d’adresses de nos parrains et marraines et la participation de clubs LGBTQI+ qui représente, selon moi, un événement politique en soi. Enfin, ce concept d’université du sport populaire a largement interpellé, et la dynamique va continuer à s’élargir et à s’enrichir.
Michel Fuchs : L’un des points forts est l’adhésion d’une multitude de partenaires, de clubs et de militants d’un sport autrement. Nous avons constaté de nombreuses prises de parole et une animation qui a permis aux participants de s’exprimer librement.
Et ses limites ?
Michel Fuchs : Le sentiment d’avoir dû dérouler le programme au pas de course, nous avons voulu intégrer beaucoup de thèmes dans un temps trop court. On souhaitait à la fois faire intervenir des personnes sur nos pratiques et donner la parole à l’assistance, ce qui a abouti à des séquences très denses. C’est une leçon à retenir.
Yves Renoux : Je partage cette analyse, il y a eu un embouteillage de contenus par rapport au temps disponible. C’était frustrant d’être soumis à la dictature de l’horloge. Nous avons aussi dû composer avec des contraintes matérielles en ne disposant que d’une seule salle.
Peut-on déjà tirer quelques enseignements de ce séminaire ?
Yves Renoux : Pour moi, les objectifs ont été atteints. Le thème s’est révélé porteur et a suscité une véritable mobilisation de nombreux acteurs et actrices, avec la FSGT comme catalyseur. Et nous sommes loin d’avoir épuisé le sujet. Ce qui est important, c’est de voir comment cette visée émancipatrice s’incarne concrètement. D’où l’idée de plonger notamment dans les cas du vélo ou du football pour la prochaine session.
Michel Fuchs : À travers la présence et les interventions des clubs, notamment LGBTQI+, nous avons pu approfondir les problématiques de discrimination et comprendre comment ils et elles s’organisent pour jouer avec les autres, tous ensemble. L’apport des grimpeurs et grimpeuses était également précieux à travers leur projet autogestionnaire ou leur rapport à l’engagement, au bénévolat et au militantisme. Nos associations doivent faire face à la montée des structures commerciales. Le sport capitaliste, toutefois, ne pourra jamais nous dérober l’émancipation. Il peut copier des activités innovantes, mais pas le fond. Pour moi, nous sommes au début d’un projet passionnant qui peut faire boule de neige. La CGT, par exemple, commence aussi à s’interroger sur la façon de créer des rapports différents dans l’entreprise à travers la pratique sportive.
Yves Renoux : On doit également réfléchir à la manière dont le sport et le monde du travail peuvent entrer en résonance, penser à des thèmes et des dispositifs pour que la diversité sociale se manifeste encore davantage à l’avenir.
Michel Fuchs : Au niveau du comité de Paris, nous envisageons des cycles de conférences. Prendre le temps, une ou deux fois dans la saison, de retravailler nos contenus et le sens de notre engagement face à des pratiquants de plus en plus consommateurs.
Quelle est la suite pour l’Université du sport populaire ?
Michel Fuchs : Nous avons bougé les lignes, mais il faut maintenant capitaliser sur cette mobilisation. En produisant des vidéos, en mettant les contenus par écrit… La Sorbonne Nouvelle est, en principe, intéressée par la reconduction de ce type d’événement qui s’inscrit dans sa politique d’ouverture culturelle.
Yves Renoux : Cela ne peut être un simple one shot, cette dynamique devrait se prolonger dans un travail de fond. D’où l’idée initiale de s’inspirer du modèle des universités populaires, qui furent à l’origine du sport ouvrier au début du XXe siècle. Nous sommes déjà lancés dans la préparation du séminaire Robert Mérand qui se déroulera le 5 juin prochain*. Je suis convaincu que cette initiative peut innerver la FSGT, devenir le point de départ d’un vaste projet militant. La fédération peut s’en emparer et s’approprier le concept. Je pense que les sessions de formation des jeunes dirigeants, relancées cette année, vont aussi dans ce sens. L’Université du sport populaire appartient à celles et ceux qui vont la faire vivre. Vu la qualité de l’engagement des militant·es, des organisations parties prenantes et du comité de parrainage, ce concept devrait bientôt essaimer bien au-delà de Paris et de l’Île-de-France.
* Trouvez plus d’informations sur le programme du séminaire en allant sur universitedusportpopulaire.fr.
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