La parité femmes/hommes et la lutte contre le sexisme dans le sport ne concernent pas que les associations, les fédérations ou le haut niveau. Le journalisme l'est évidemment tout autant... Pour « faire bouger les lignes, rendre les femmes plus présentes dans le sport et moins discriminées », le collectif « Femmes journalistes de sport » a ainsi récemment été fondé. Mejdaline Mhiri, une des six membres fondatrices, nous explique les enjeux de ce combat et les actions de l’association.
Quelle place occupe les femmes journalistes dans le sport ?
Mejdaline Mhiri : Il est difficile de savoir précisément combien de femmes travaillent sur le sport dans les médias, il n’existe que très peu d’études sur le sujet. Une des premières démarches du collectif « Femmes journalistes de sport » [FJS] a donc consisté à se compter en faisant le tour des rédactions de France. Selon la chercheuse Sandy Montañola, spécialiste des questions de genre et de journalisme et chargée de cette investigation, il n'y aurait que 10 % de femmes sur les 6000 journalistes sportifs ! Leur nombre fluctue également selon les supports. Il y a par exemple davantage de femmes qui travaillent à la télévision, avec le poids des animatrices, mais très peu en radio où elles sont rarement choisies pour les commentaires de rencontres. Partant de ces constats, nous avons lancé plusieurs actions comme un groupe de partage d’offres d’emploi via l’application téléphonique WhatsApp et la mise en place d’un annuaire en ligne, les rédacteurs en chef prétendant souvent ne pas arriver à trouver de femmes journalistes pour justifier l'homogénéité masculine de leur service… FJS compte 200 adhésions, ce qui prouve un réel besoin de se rassembler et de se mobiliser, et nous sommes aussi ouvertes aux étudiantes. Il reste d’ailleurs un gros boulot à mener dans les écoles de journalisme, les étudiantes se sentant moins reconnues pour se lancer dans le sport. Elles peuvent être également rétives à l’idée de se retrouver dans des rédactions quasi exclusivement composées d’hommes dans lesquelles des comportements inappropriés de collègues masculins peuvent survenir… De plus, le collectif Femmes journalistes de sport a organisé un système de « marrainage » pour accompagner les étudiantes et les journalistes débutantes, certaines de nos membres sont en train de se former pour aider les journalistes sportives qui vivent le sexisme dans les rédactions et nous rédigeons actuellement une charte destinée aux rédactions que nous allons soumettre avec l’Union des journalistes de sport en France dont la vice-présidente, Laurie Delhostal, est notre coprésidente.
La question peut sembler provocante, mais pourquoi faut-il plus de journalistes sportives ?
Mejdaline Mhiri : Si nous sommes plus nombreuses, cela contribuera évidemment à faire reculer le sexisme dans les rédactions. Et surtout nous vivons en mixité… Il n’y a donc aucune raison qu’un domaine comme le sport, qui est déjà très masculin, soit fermé aux femmes. Il faut également produire un maximum de récits sur le sport, et seule la pluralité et la diversité des profils de journalistes le permettent. Les femmes sont trop souvent empêchées de pouvoir s’engager dans cette voie professionnelle, de s’accomplir dans ce métier ou de dégoter des piges ! Elles sont pourtant aussi compétentes que les hommes pour couvrir le sport. Enfin, certains aspects de la vie d’une athlète comme les règles, la maternité ou les violences sexuelles s’avéreront plus familiers ou interpelleront davantage une femme.
Vous avez aussi lancé un projet de formation dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024…
Mejdaline Mhiri : Oui, il s’agit d’un de nos gros projets pour les deux prochaines années. Nous avions envie de profiter de l’effervescence autour des prochains Jeux olympiques et paralympiques qui se dérouleront en France pour lancer un programme de formation à destination d’un maximum de jeunes femmes en école de journalisme ou d’ailleurs. Il s’agit par exemple de leur apprendre à rédiger un compte-rendu de match, un portrait d’athlète… Nous voulons également les envoyer couvrir des compétitions pour qu’elles y acquièrent l’expérience du terrain. Le but est de valoriser leurs compétences, qu’elles se sentent légitimes et qu'elles obtiennent une accréditation afin de couvrir les Jeux et taper à la porte des médias. Pour déposer le projet auprès de Paris 2024, nous devions avoir le soutien de fédérations sportives. Les fédérations françaises de football, de rugby ou de basket nous l'ont apportées, ainsi que la FSGT !
Comments