Les Jeux de Paris 2024 vont se dérouler l’été prochain. Une des grandes promesses, aussi bien de la part du CIO que du gouvernement, pour justifier les investissements publics et le coût général de cet événement, réside dans son héritage, notamment en matière de pratique sportive de la population. Alors que peut en espérer la Seine-Saint-Denis, où nombre d’épreuves auront lieu ?
En 1998, lors de la Coupe du monde de football organisée dans l’Hexagone, la FSGT avait mis en place le Tour de France du sport populaire. Le grand raout de la Fifa ne pouvant, et ne prétendant d’ailleurs pas, changer le visage de la vie sportive française, la Fédération avait alors voulu profiter de l’ambiance générale pour se faire connaître à travers tout le pays et mobiliser ses Comités autour d’un projet festif itinérant.
Dans le cas des JOP de Paris 2024, l’ambition de départ se révèle toute autre. Devant le scepticisme grandissant de l’opinion publique face à ces grands événements pharaoniques, la dimension « héritage », bref en quelque sorte le retour sur investissement pour le citoyen ou la citoyenne contribuable (a minima près de trois milliards d’euros issus de l’État et des collectivités selon la Cour des comptes), est clairement mise en avant.
La France doit devenir une « nation sportive », affirmait le président de la République Emmanuel Macron en 2021. Ainsi, le budget du ministère dédié dépassait (enfin) le milliard d’euros peu de temps après, un plan d’équipement pour les installations sportives de proximité était lancé dans l’urgence et le dispositif Pass’Sport (une aide de 50 euros par licence) était adopté afin de soutenir l’adhésion aux associations sportives en pleine sortie de la crise du Covid-19. Mais la pérennité de ces belles intentions semble loin d’être acquise…
Car l’enveloppe du Pass’Sport a chuté de 10 millions d’euros. Le budget du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, prévu dans le projet de loi de finances 2024, a finalement régressé. Et le vote, par l’Assemblée nationale, d’un amendement pour augmenter le plafond de la taxe sur les paris au profit du mouvement sportif ne servira certainement à rien vu que le budget sera sûrement entériné en recourant à l’article 49.3 de la Constitution. De quoi s’interroger légitimement : quelle place et quelles retombées auront les Jeux pour le sport populaire ? Et notamment pour celui de Seine-Saint-Denis ?
Un héritage…
Accueillant nombre d’installations et de compétitions des JOP, et sans parler du village olympique, le département de Seine-Saint-Denis attend en effet beaucoup de cet événement. Il s’agit peut-être d’une opportunité unique pour rattraper les carences qui se sont accumulées, à la suite de décennies d’abandon, dans cette banlieue du nord-est parisien comptant à peine plus de seize installations sportives pour 10 000 habitant·es, contre 25 en Île-de-France et près de cinquante au niveau national.
Le Comité FSGT 93 (rassemblant 180 clubs et 13 000 licencié·es) souligne sans cesse la notion de service public du sport, un outil vital sur un territoire avec une population très jeune et confrontée à de graves difficultés sociales et économiques. Certaines problématiques de santé publique, à l’instar de la sédentarité ou du surpoids chez les senior·es et les enfants/adolescent·es, dramatiquement illustrées durant la crise du Covid-19, sont même désormais critiques.
« Nous n’ignorons pas l’importance pour notre département de recevoir les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », explique ainsi Clément Rémond, son coprésident.
« Cela a contribué à obtenir des avancées significatives, en termes de transports publics et d'équipements sportifs par exemple. Mais nous sommes également lucides sur ce que sont aujourd’hui, dans le monde actuel, les JOP. »
D’où la volonté de tenir une position équilibrée… Car si le Comité de Seine-Saint-Denis « salue ce qui a été déjà acquis, comme le Prisme (Pôle de référence inclusif sportif métropolitain de 15000 m² situé à Bobigny) qui offre un cadre idéal pour une pratique inclusive et pour les scolaires », il estime qu’il « faut aller plus loin et préparer l'après-Jeux. Ils ne suffiront pas à combler soixante ans de retard et ce n'est d'ailleurs pas leur rôle. »
Pour se faire entendre et surfer sur cette séquence de grande exposition politique et médiatique du sport, la FSGT 93 a justement lancé, via ses réseaux sociaux, une vaste campagne de communication « autour de (ses) moments forts tel que Nage ton Canal », course de nage en eau libre dont le site Internet de Sport et plein air (sportetpleinair.fr) se faisait l’écho en septembre dernier, et pour « éclairer ce que réalisent (ses) clubs au quotidien ».
Du côté du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le discours met en lumière un coup de pouce pour le département. La Seine-Saint-Denis, « c’est le territoire qui va bénéficier le plus de la dynamique des Jeux, avec des logements, quatre-mille logements seront légués à ce territoire, avec aussi bien évidemment des équipements sportifs, un site d’escalade au Bourget, un centre aquatique olympique à Saint-Denis en face du Stade de France », affirmait Tony Estanguet, son président, sur France Bleu le 11 mai dernier.
« Aujourd’hui, on doit avoir une nouvelle approche en matière d’héritage. L’héritage ne peut pas se construire que pour les besoins d’une compétition, il doit d’abord se construire pour les besoins d’un territoire. »
… et des demandes !
Monté en 2021 et composé de maires, d’élu·es aux sports, de député·es et de sénateur·rices, de professeur·es des écoles et d’EPS, de parents d’élèves et d’acteur·rices du mouvement sportif de Seine-Saint-Denis, le Coper93, Collectif permanent pour la défense et la promotion de l’EPS et du sport associatif, se montre plus circonspect.
Dans les colonnes du Monde le 8 juillet dernier, il saluait la création de nouvelles installations sur le territoire tout en assurant que « ce ne sera pas suffisant pour les associations sportives. Ça ne répondra pas à la pénurie et au retard accumulé : pour être dans la moyenne nationale, il faudrait construire 7 500 équipements dans le département. »
C’est donc dans cette perspective qu’une pétition a été lancée par ses soins. Ayant pour but de « faire entendre les besoins d’investissements publics pour l'EPS et le sport associatif dans la Seine-Saint-Denis », cette pétition réclame à l’État : un plan pour la construction d’installations sportives (pour « agir pour l’égalité et réduire les carences quantitatives et qualitatives des équipements et des espaces sportifs du 93 »), un bouclier tarifaire pour faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie (les collectivités ne possédant « plus assez de moyens de faire fonctionner le service public du sport ») et un plan de rénovation énergétique de l’ensemble des installations sportives (celui de Seine-Saint-Denis étant « en moyenne vieux de plus de 40 ans »).
Pour la FSGT, l’enjeu reste donc bel et bien de profiter de la prise de conscience actuelle sur l’importance de la pratique sportive dans la vie du pays et dans la société afin, qu’au-delà des festivités et des médailles, le soutien au sport associatif se prolonge dans la durée. Dans un contexte tendu économiquement et de recul des services publics, le travail de fond de la Fédération, de ses Comités et de ses clubs doit se servir de ce moment où tout le monde réalise à quel point le sport fait partie du bien commun.
Les JOP d’hiver de trop ?
La France, via les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, a annoncé son envie d’accueillir les JOP d'hiver 2030. D’autres pays sont sur les rangs (le Japon, les USA, la Suède et la Suisse) et le pays hôte sera déterminé en 2024. Toutefois, cette nouvelle candidature de l’Hexagone produit quelques remous… Dans une tribune publiée dans Le Monde le 12 octobre dernier, des personnalités (dont Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de la Fédération droit au logement, Stéphane Passeron, skieur de fond professionnel ou encore Alice Picard, porte-parole d’Attac France) réclament la tenue d’un référendum sur le sujet. Ils/elles rappellent notamment que la candidature espagnole a été abandonnée après une mobilisation populaire et qu’ils/elles ont « découvert, avec Paris 2024, l’ampleur des impacts que les Jeux peuvent produire sur nos espaces verts, nos libertés publiques et nos droits sociaux ». Les signataires désirent évidemment également questionner la légitimité des Jeux d’hiver car ces derniers « sont à la fois victimes et accélérateurs du réchauffement climatique. Plus la planète se réchauffe, plus la neige se raréfie, et plus les Jeux deviennent dépendants d’un ersatz polluant ».
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