Alors que le 8 mars est la journée internationale des droits des femmes, que fait la FSGT à destination de ces dernières ? Pionnière sur certaines dimensions et même féministe avant l’heure, la Fédération s’emploie à lever les obstacles qui perdurent aujourd’hui pour faire de l’accès au sport, comme aux responsabilités associatives, un droit pour toutes.
« Au-delà de la question des effectifs - et il importe de se rappeler que la véritable féminisation des fédérations officielles ne s'opère qu’à partir des années 1970 -, la FSGT va surtout se révéler, principalement au tournant des années 1960, par son rôle avant-gardiste (...) De nombreux clubs, surtout ceux qui possédaient la double affiliation, y trouveront le biais pour dépasser les conservatismes qui freinaient ou empêchaient l’arrivée des filles dans certaines activités, pour débloquer des habitus culturels apparemment figés et ouvrir au second sexe, dans la foulée du grand chambardement féministe post-68, l’ensemble du champ sportif. »
Cet extrait de l’article « Féministe avant l’heure », rédigé par Nicolas Kssis et Anne Roger et paru dans le livre La FSGT, du sport rouge au sport populaire (éditions la ville brûle), résume bien le rôle pionnier joué par la Fédération dans l’accessibilité de certaines disciplines (le judo et la lutte en compétition, le saut à la perche ou le cyclisme) aux femmes. Brigitte Deydier, première championne du Monde de judo de l’histoire, avait d’ailleurs commencé à combattre au sein de la FSGT…
Il n’y a pas de miracle. Tant que les inégalités sociales entre les femmes et les hommes existeront, celles qui sont liées à l’accès au sport et aux loisirs ne feront pas exception. Comment trouver le temps de faire du sport et/ou de s’engager dans la vie associative quand on fait de longs trajets pour aller travailler, que l’on cumule plusieurs emplois, que l’on est une famille monoparentale ou que l’on assume la grande partie de la charge mentale du foyer ? Le temps libéré et non précaire est, en effet, le nerf de la guerre.
C’est la raison pour laquelle la Fédération ne distingue jamais les pratiques sportives des conditions sociales dans lesquelles se trouve la population et se mobilise par exemple contre l'actuel projet de réforme des retraites (qui sanctionne en premier lieu les femmes). De plus, toutes les études indiquent que la situation s’est aggravée depuis la pandémie de Covid-19. Dans les clubs fédérés, on ne compte que 38 % de femmes licenciées contre 62 % d’hommes et, pourtant précurseure en la matière donc, la FSGT a également subi une baisse de la proportion de femmes dans ses effectifs…
Les inégalités entre ces dernières et les hommes dans le sport concernent aussi les financements des équipements sportifs, l’attribution des créneaux dans les infrastructures, la médiatisation ou encore un sexisme structurellement présent. Ce qui n’est évidemment pas sans conséquence par rapport à l’accès aux responsabilités ! Parmi les 36 fédérations olympiques, une seule possède ainsi une présidente (Isabelle Jouin à la Fédération française de hockey sur gazon).
Trois femmes sont, certes, à la tête du sport français (Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Brigitte Henriques, présidente du Comité national olympique et sportif français, et Marie-Amélie Lefur, présidente du Comité paralympique et sportif français), mais combien de femmes sont des présidentes de clubs et de structures déconcentrées ? Même la FSGT, qui a un modèle unique de coprésidence femme-homme, ne déroge pas à la règle avec seulement 17 présidentes ou coprésidentes au sein de ses Comités départementaux et régionaux et le constat est similaire au niveau de la coordination de ses Commissions fédérales d’activités.
Des activités accessibles à toutes…
En 1998, Annick Davisse et Catherine Louveau, respectivement inspectrice pédagogique et sociologue, affirmaient dans Sports, école et société : la différence des sexes, féminin, masculin et activités physiques (éditions L’Harmattan) qu’il « faut en finir avec l’inaccessible qui produit au mieux seulement de l’envie, au pire du découragement, et favoriser de vrais modèles d’activité possible, qui aident les femmes des milieux populaires, les employées, les ouvrières, les sans travail à s’autoriser à prendre du temps pour soi ».
C’est tout le rôle que peuvent jouer le service public du sport en pensant des espaces adaptés et le sport associatif en composant le champ culturel et en élargissant les possibilités de choix des pratiques. Si la FSGT a marqué l’histoire en ce sens, elle continue aujourd’hui à essayer de changer les règles du jeu. Outre le lancement d’un premier Championnat féminin de FA7 (football autoarbitré à 7) par le Comité Paris en 2022, le foot 100 % réservé aux femmes se dessine sous un nouveau jour en Seine-Saint Denis avec le Tournoi des cinq terres (pour cinq étapes et cinq surface de jeu) qui participe à la déconstruction des stéréotypes sur la pratique des sports majoritairement masculins.
À l’occasion de l’édition 2022 de l’Assemblée fédérale des Comités et des Ligues de la Fédération, Marie-Lyse Lounes, chargée de développement au sein de la FSGT 75, avait insisté sur une dimension essentielle : ces pratiques compétitives à destination des femmes doivent être accessibles quel que soit le niveau de pratique, pour les débutantes comme pour les confirmées. C’est cela concevoir le sport comme espace d’émancipation !
Autres activités souvent considérées comme masculines : les sports de combat et les arts martiaux. À Clermont-Ferrand, à Marseille ou à La Réunion, des clubs et des Comités FSGT proposent des initiatives exclusivement féminines (essentiellement issues des milieux populaires). « Fam Dobout » est par exemple une activité de self-défense proposée par le Comité FSGT réunionnais afin de lutter contre les violences faites aux femmes. Dans le même temps, les disciplines traditionnellement féminines, comme la gymnastique ou la danse, jouent un rôle essentiel d’appropriation du corps et offrent du temps libéré et du lien social essentiels dans une société patriarcale.
… et des activités mixtes !
Il a fait son entrée dans la vie de la FSGT en 2016. L’équimixte est une forme innovante de volley-ball qui se joue en mixité réelle femmes/hommes à quatre contre quatre. Cette discipline a la particularité de mettre en place des règles adaptées. Les joueuses peuvent attaquer sur tout le terrain et les joueurs n’ont pas le droit de smasher à moins de trois mètres du filet et de contrer les femmes.
Si la méthode peut porter certaines critiques (n’est-ce finalement pas un critère de taille qui compte plutôt que de genre ?), il n’en reste pas moins que les « filles jouent beaucoup plus, elles sont davantage présentes et elles ont plus l’occasion de taper le ballon », témoigne une pratiquante dans une vidéo de promotion.
« C’est un jeu qui permet vraiment l'interaction et que les femmes puissent avoir plus de place. »
L’équimixte est dorénavant intégré aux Championnats de volley des Comités de Paris et de Seine-Saint-Denis et la mixité se développe de plus en plus dans les sports collectifs FSGT, à commencer par le football. En plus de la création du nouveau championnat féminin de FA7 dans la capitale, une compétition de foot à 7 en mixité réelle a vu le jour ces dernières années. Il s’agit de l’unique épreuve de ce genre en France, toutes fédérations sportives confondues.
Autre innovation récente de la FSGT : le walking foot ou foot marché se joue à partir de 50 ans et en mixité dans différentes régions (Normandie, Occitanie, Aquitaine etc.). Sans oublier les activités de pleine nature, l’escalade, la randonnée, la marche nordique, le trail, la natation, le cyclotourisme ou encore les ateliers parents-enfants qui sont également des lieux de vie associative particulièrement favorables à la mixité.
Autant d’expériences sur lesquelles la FSGT devra savoir s’appuyer pour continuer à innover et à fédérer. Enfin, et parce que l’émancipation des femmes est une lutte dans tous les pays du monde, l’actualité nous le montrant de manière dramatique en Afghanistan ou en Iran, la FSGT s’engage en Palestine et dans les camps sahraouis, pour permettre aux filles de tendre vers une égalité d’accès au sport via la formation de formatrices, d’enseignantes et d’éducatrices d’Éducation physique et sportive.
Emmanuelle Bonnet Oulaldj
Alice Milliat sur scène à l’AG FSGT 2023
Née en 1884 et décédée en 1957, Alice Milliat est au sport féminin ce que le baron Pierre de Coubertin est au mouvement olympique ! Cette sportive a milité pour la participation des femmes aux Jeux olympiques et, devant le refus des instances dirigeantes, a décidé d’organiser des JO 100 % féminins à Paris en 1922. Le succès est tel que les femmes participent enfin à des épreuves officielles aux Jeux de 1928… C’est avec humour et tendresse que Karen Chataigner, comédienne, incarne celle qui a révolutionné la place des femmes dans le sport à travaers la pièce de théâtre Je danse avec Milliat. Sans cette grande dame et d’autres, notamment militantes de la FSGT, les sportives seraient encore sur la touche aujourd’hui. Effacée de l’histoire, Alice Milliat revient avec des punchlines affûtées et vous emmène en 1920, époque où les médecins affirmaient que « si une femme court, elle meurt ». Un spectacle ébouriffant pour parler des premiers JO féminins et des victoires pour la place des femmes dans le sport malgré d’innombrables opposants. Alors que la FSGT est à l'origine d’une statue représentant Alice Milliat à la Maison du sport français au côté de celle du baron de Coubertin, Karen Chataigner présentera cette pièce en ouverture de l’Assemblée générale 2023 de la Fédération qui se tiendra à Strasbourg du 31 mars au 2 avril. La Rédaction
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