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Football | Qatar : la Coupe du monde du cauchemar...

Dernière mise à jour : 29 sept. 2022

La prochaine Coupe du monde de football masculin se déroulera au Qatar du 20 novembre au 18 décembre. Cet événement organisé par la Fifa concentre tous les travers du football capitaliste actuel : mépris des droits humains, insouciance écologique, gigantisme financier… En confiant la Coupe à l’émirat, la fédération internationale a finalement montré son vrai visage. Pour elle, seul l’argent compte, peu importe les morts dans les chantiers ou le prix pour la planète ! Journaliste et chef de rubrique à Sport et plein air, Nicolas Kssis va sortir ce mois-ci un ouvrage sur le sujet intitulé Qatar, le Mondial de la honte (éditions Libertalia) dont nous publions les bonnes feuilles.













































« Cette Coupe du monde s’inscrit dans le prolongement de l’évolution de cette belle institution qu’est la Fifa. De la seconde édition [de cette Coupe] en 1934, dans l’Italie de Benito Mussolini, magnifique caisse de résonance et de reconnaissance pour le fascisme italien, au Mondial de 78 dans l’Argentine de Videla, les états d’âmes politiques n’ont jamais franchi les limites du rectangle vert. Dorénavant, la problématique s’est complexifiée. Il faut dégoter des pays prêts à débourser les sommes folles nécessaires à l’accueil d’un tel événement et à accepter les conditions financières posées par la Fifa (…) Heureusement, des dirigeants compréhensifs, et guère embêtés par les oppositions et leur opinion publique, existent encore, tel le tzar Vladimir Poutine qui a fourni clé en main, avec l’aide de ses affidés comme Gazprom, une des " plus belles éditions " en 2018. Comment ne pas comprendre ensuite son amertume après avoir été exclu par l’UEFA suite à l’invasion de l’Ukraine. Toutefois, la Coupe du monde au Qatar, avec ses 200 milliards de dollars de budget, possède une dimension inégalée et soulève des problématiques (droits humains, LGBT, écologie, etc.) que la Fifa avait toujours pris soin d’ignorer. »


Un péché français ?

« En 2019, le Parquet national financier a ouvert une information judiciaire autour de l’attribution de la Coupe du Monde 2022 pour " corruption active et passive ", ainsi que pour " recel et blanchiment ". Au cœur des soupçons, un mystérieux déjeuner à l’Élysée organisé le 23 novembre 2010 par Nicolas Sarkozy, président de la République, avec comme convives Michel Platini, président de l’UEFA, et l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, accompagné de son premier ministre. Michel Platini n’apparaissait pas à l’époque comme l’un des plus chauds partisans de la candidature de l’émirat. Il avait ensuite étrangement changé son fusil d’épaule (...) L’univers se révélant désespérément minuscule, le fils de Michel Platini, juriste de profession, a travaillé de 2011 à 2016 au sein d’une filiale de QSI [Qatar Sports Investments qui possède notamment le club de football du Paris-Saint-Germain]. On le voit, la Coupe du monde au Qatar est loin d’être secondaire en France. Depuis Nicolas Sarkozy jusqu’à Emmanuel Macron, elle s’avère aussi et d’abord une affaire d’État (…) Dernier épisode de cette lune de miel, la France va apporter une aide précieuse pour assurer la sécurité lors de la Coupe du monde. Cet accord avait été signé en mars 2021, avant donc le fiasco de la finale de la Champions League au Stade de France. Il a désormais été validé et encadré par un vote au Sénat et à l’Assemblée Nationale. La rapporteuse, Amélia Lakrafi, députée LREM de la 10 e circonscription des Français de l’étranger (qui comporte le Qatar) précisait donc que la France allait envoyer " 21 opérateurs spécialisés du GIGN, 170 opérateurs en matière de lutte anti-drones, 10 opérateurs en matière de déminage, 10 équipes cynophiles de recherche d'explosifs et 5 à 8 experts fournis par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme " pour un total " d'environ 220 experts français ". Karl Olive [député de la majorité présidentielle] a immédiatement remis une couche dans So Foot : " La France a toujours été une puissance d’assistance dans l’organisation de la Coupe du monde. Je préfère que l’expertise de nos gendarmes et nos policiers servent à protéger nos concitoyens lorsqu’ils se rendront dans les stades. C’est valorisant pour notre pays (…) Mieux vaut une relation franche, exigeante, qui respecte aussi la décision qui n’est pas celle de la France, mais de la Fifa, d’avoir attribué la Coupe du monde au Qatar. " Oui, nous sommes bien d’accord, la France a choisi de fermer les yeux et d’ouvrir son portefeuille, en toute connaissance de cause. »


Des cimetières sous la thune…

« Cette Coupe du monde aura un autre coût que celui des milliards investis. Un coût humain. Payé par les plus pauvres des travailleurs (...) The Guardian, recoupant les données des principaux États fournisseurs de main d’œuvre, avait publié une enquête avançant le chiffre de 6 500 ouvriers décédés, originaires d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka (...) depuis le début des travaux (donc environ 600 annuel). À titre de comparaison, la France, avec une population active de 30 millions (quinze fois supérieure), et très mauvais élève européen, en recense en moyenne 700 par an. Ce chiffre est depuis largement repris dans les médias ou les débats politiques. Parmi ces victimes, les morts dues à un pur incident sur un chantier sont extrêmement minoritaires. Les causes principales tiennent surtout aux horaires, à l’absence de repos et de congés et évidemment aux températures extrêmes dans un pays où elles dépassent les 45 degrés en été (...) Amnesty international avait de son côté examiné 18 certificats de décès de travailleurs migrants délivrés par le Qatar entre 2017 et 2021, dont la seule explication se réduisait en quelques mots lapidaires : " insuffisance cardiaque " ou " cause naturelle ". L’ONG cite, entre autres, la triste histoire de Manjur Kha Pathan, 40 ans, conducteur de camion (douze à treize heures par jour), qui, après avoir perdu connaissance, est mort au travail le 9 février 2021. »


L’impossible boycott

« Hôtel de la Marine, ou loge luxueusement la succursale parisienne de la Fifa. En ce 20 juin, Les dégommeuses, club de foot LGBT+, viennent de déployer sur le fronton de ce majestueux édifice une banderole " La Fifa tue ". Un slogan simple qui claque face à la place des Invalides (…) Leur communiqué résume le spectre large de leur indignation : " Dans un récent rapport, Amnesty international prouve qu’au moment d’attribuer la Coupe du monde au Qatar, en 2010, toutes les institutions internationales alertaient déjà sur les violations qu’y subissaient les travailleurs et travailleuses étranger·ères. (...) Nous dénonçons cette gravissime violation des droits humains, mais aussi l’aberration écologique que représente cette Coupe du monde, avec notamment la climatisation des stades à ciel ouvert [lire encadré ci-contre] (…) En tant qu’équipe majoritairement composée par des lesbiennes et des trans, nous rappelons également que la Fifa n’est pas à la hauteur dans le nécessaire combat contre les LGBTphobies dans le foot en choisissant d’attribuer la Coupe du monde a un pays qui a une des législations les plus restrictives au monde. " En France, la seule évocation du boycott se heurte au plafond de verre de la raison et de la calculette d’État (...) La FFF [Fédération française de football] n’a rien d’exceptionnel. À titre d’illustration, et à trois mois du match inaugural, aucune des fédérations qualifiées n’avaient soutenu la très mesurée campagne " PayUpFifa ", un appel collectif lancé pour que la Fifa crée un fond d’indemnisation pour les travailleurs morts pour son Mondial. Cela dit, même la Norvège, dont la sélection porta un tee-shirt en faveur des droits humains lors de son match à Gibraltar, et dont la présidente prit courageusement la parole lors du congrès de la Fifa à Doha, avait rejeté la possibilité d’un boycott lors d’un congrès extraordinaire (…) Il est pourtant difficile pour les stars à crampons d’esquiver totalement le débat. Certaines ont en effet commencé à sortir du bois " apolitique ". Antoine Griezmann a refusé un sponsor chinois par solidarité avec les Ouïghours. Nous avons aperçu quelques genoux à terre durant l’Euro en soutien avec le " Black lives matter ". Kylian Mbappé avait justifié ses prises de paroles sur BFMTV : " Les gens m'interpellent souvent sur mes prises de position, notamment sur les dernières que j'ai prises. Que ce soit les violences policières, le racisme... Ça, les gens sont contents parce que je pense que je représente cette voix aussi. " Or l’enfant de Bondy connaît aussi les limites à ne pas dépasser (…) Impossible pour le salarié du PSG, dont le président Nasser al-Khelaïfi est membre du Comité d’organisation de la Coupe du monde de football 2022, de s’exprimer sur les conditions de travail des migrants (…) Heureusement que le foot est plus grand et plus beau que la Fifa… »


Pour commander Qatar, le Mondial de la honte (éditions Libertalia) : https://librairielibertalia.com/web/qatar-le-mondial-de-la-honte.html


 
Qatar 2022 : Un crime contre la planète ?

« C’est le dernier point noir de cette Coupe du monde du cauchemar : le versant écologique (...) Le Qatar possède un des pires bilans carbone au monde (37 tonnes par habitant·e), même si, avec ses 2,15 millions, sa nocivité n’égale pas les grandes puissances que sont la Chine ou les USA. Toutefois, sa logique de développement économique, et dont l’organisation de la Coupe du monde incarne la manifestation extrême et exponentielle, souligne d’un coup l’ampleur du fossé entre la raison (de la survie de l’humanité) et le pognon, qu’il roule sur une pelouse ou non. Le Mondial qatari démontre aussi, qu’en dépit de l’évidence, même l’écologie peut être récupérée pour promouvoir un capitalisme qui la sacrifie sans cesse. Présent à la Cop26 [en 2021 en Écosse] , ses représentants ont vendu, sans honte ni sourciller, " la première Coupe du monde neutre en carbone " (...). Les faits sont moins plaisants. Basiquement par exemple, les équipes viendront en avion, et il faudra bien déshydrater ces foules égarées au milieu d’un désert urbanisé à la va-vite. Il est malheureusement fort possible que les 6 500 ouvriers morts pour que se déroule une Coupe du monde ne soient finalement que les premiers d’un aveuglement collectif et suicidaire…. Et tout le monde sait que ce sont leur pays d’origine, Népal ou Bangladesh, qui en subiront, au départ, les pires conséquences. » Extrait du livre Qatar, le Mondial de la honte écrit par Nicolas Kssis et qui va paraître le 8 octobre prochain aux éditions Libertalia.

 

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