Formation pour des Palestinien·nes dans la Sarthe
- Nicolas Kssis
- 5 juin
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Dernière mise à jour : 5 juin
Venu·es d’un camp de réfugié·es en Cisjordanie, ces animateur·rices ont beaucoup appris.

Du 14 au 18 mai, huit animateur·rices du camp de réfugié·es de New Askar, situé dans la banlieue de Naplouse en Cisjordanie, et trois élu·es de son comité populaire, ont pris part à un stage de formation FSGT à Allonnes (Sarthe). « Cet événement s’inscrit dans le cadre du projet Sport pour tous et toutes que nous développons en Palestine et qui est financé par l’Agence française de développement et le ministère des affaires étrangères français », précise Chloé Levaton, coordinatrice du domaine de la politique de coopération et solidarité internationales. « Normalement, le stage de formation devait se dérouler en Palestine en décembre dernier, mais cela s’est avéré impossible, New Askar subissant aujourd’hui une étouffante occupation militaire israélienne. La décision a donc été prise de l’organiser en France. »
Mohammed Abukeshek, président du comité populaire, confirme d’ailleurs l’importance de leur visite au regard de la situation sur place, presque comme une victoire face à l’adversité géopolitique : « À travers les stages de formation, à travers le sport, on construit une relation plus profonde entre nos deux peuples, représentés ici par la ville d’Allonnes et le camp de New Askar. Ce lien, nous voulons le rendre plus fort, plus durable, et fondé sur des valeurs communes de solidarité, de justice et de respect, et ce séjour renforce la coopération entre la FSGT, la ville d’Allonnes et notre camp. Il montre que la solidarité peut être concrète, vivante, qu’elle peut traverser les frontières. »
De fait, au-delà de la dimension strictement sportive, la venue de cette petite délégation dans l’Hexagone participe à la mise en lumière de ce qui se passe dans les territoires occupés. « En tant que Palestiniens vivant dans les camps, nous souffrons, et cette souffrance reste souvent invisible », indique ainsi Mohammed Abukeshek. « Ces dernières années, la situation s’est encore aggravée, en particulier dans les camps de réfugiés qui sont devenus des cibles quotidiennes de la violence de l’armée israélienne. À travers cette venue, on peut parler de ce que nous vivons, de ce que les médias ne montrent pas, de ce que certains préfèrent censurer. » Des rencontres, aussi bien protocolaires qu’informelles, ont d’ailleurs été organisées avec la population dans ce but tout au long de leur séjour.
Un stage intense
Pour en revenir au stage en lui-même, Arzaq Khalili, jeune animatrice, en note surtout la richesse : « Nous avons reçu énormément d’informations. On a aussi beaucoup apprécié la diversité des activités proposées, ça nous donne plein d’idées à développer chez nous. Mais ce que j’ai surtout aimé, c’est la façon dont l’apprentissage a été abordé. C’était très concret et accessible. »
Son collègue, Mohammed Tak, enchaîne en soulignant « la bienveillance des animateurs et leur patience. J’ai découvert plein de nouvelles choses : comment préparer une activité de A à Z, gérer le matériel, choisir le bon type de jeu et adapter le temps. J’ai aussi appris des techniques précises, comme l’échauffement ou l’entrée dans le jeu. »
Toucher tout le monde
Si les activités (céci-athlétisme, céci-pétanque, volley assis, touch rugby et ultimate) étaient au centre des contenus, la question des publics, notamment les enfants dès le plus jeune âge, s’est révélée un questionnement essentiel pour les animateur·rices palestinien·nes. « Ce qu’on a appris ici va vraiment nous servir à New Askar ! » se réjouit Mohammed Tak. « Par exemple, nous avons découvert comment inclure les tout-petits, les enfants de trois à six ans, dans des activités sportives adaptées. On a compris qu’ils ont, eux aussi, le droit de jouer et qu’on est capable d’organiser des choses pour eux. Nous avons aussi appris l’importance de bien communiquer avec les enfants pour qu’ils comprennent et s’impliquent dans l’activité. »
L’expérience et la singularité de la FSGT dans la formation sportive ont démontré, dans cette perspective, toute leur valeur et leur impact. « La chose la plus importante que j’ai apprise en France, c’est l’adaptation des activités sportives selon l’âge des participants », explique Arzaq Khalili. « J’ai découvert de nouvelles méthodes pédagogiques très enrichissantes. La formation en rugby m’a beaucoup apporté, surtout sur la création des équipes et la mise en place des activités auprès des jeunes. »
Arzaq Khalili poursuit l’explication en ciblant également le sport féminin : « Une question importante pour nous, c’est : “comment attirer davantage de filles à participer aux activités sportives ?” On veut aussi motiver plus de femmes à s’impliquer comme animatrices. Nous attendons maintenant d’échanger avec les autres animateurs du camp pour voir comment mettre cela en place. »
Mohammed Tak insiste enfin sur un autre versant : celui de la pratique des personnes en situation de handicap. « Une dimension très marquante pour moi résidait dans les activités avec les personnes malvoyantes ou aveugles », précise-t-il. « C’était fort, parce que ça développe vraiment la confiance entre les participants. On va réfléchir à comment adapter ça chez nous. Et enfin, les fiches traduites sont un vrai plus. Ce sera un super support une fois de retour au camp. »
Adeline Rigot, formatrices FSGT lors du stage, insiste sur l’émotion suscitée par le travail autour des pratiques handisport : « Je garde un souvenir très fort des séquences sur la pétanque adaptée pour les personnes malvoyantes. Nous avons beaucoup rigolé. » Un instant de détente avant le retour à la dure réalité palestinienne. Néanmoins, Mohammed Abukeshek, du comité populaire, continue pour sa part de croire que « la solidarité peut traverser les frontières. C’est par des initiatives comme celle-ci que nous espérons construire une nouvelle relation, fondée sur la paix et la reconnaissance de notre humanité. »
Trois questions à Catherine Bouche, adjointe au maire d’Allonnes
Pour quelles raisons votre ville a-t-elle accueilli ce stage ?
Catherine Bouche : Allonnes accorde une grande importance à la culture de paix et aux échanges internationaux. Notre coopération avec la Palestine s’inscrit dans cette démarche et recevoir cette délégation la concrétise.
Quel a été le rôle de la ville ?
Catherine Bouche : Tout d’abord, évidemment, logistique, afin que la délégation se sente bien à Allonnes, surtout que le stage a été très dense. Ensuite, nous avons organisé des échanges entre la délégation et la population. Il fallait que les Palestiniens puissent témoigner de leur condition de vie auprès de nos concitoyens, qu’ils puissent se dire « on a fait le boulot ! » en rentrant auprès des leurs.
Comment définiriez-vous vos relations avec la FSGT ?
Catherine Bouche : La FSGT propose un projet absolument génial dans le sport : une pratique qui sert le développement de tous et toutes. Nous sommes partenaires de la fédération au niveau local et au niveau départemental. On partage pleinement sa philosophie : l’adversaire est l’ami qui me fait progresser. Cela nous correspond totalement.
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