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Fédérations l Balance tes sports ?

À quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le sport français se retrouve de nouveau sous le feu des projecteurs. Lancée en juin dernier, une Commission d’enquête parlementaire a révélé de multiples dysfonctionnements dans les fédérations et soulevé de nombreuses questions.


« Le sport est le reflet de la société. » Cette formule, quasiment un adage, est souvent utilisée dès que des scandales divers viennent éclabousser l’actualité...

La problématique des violences sexuelles, qui ne cesse d’occuper l’actualité des fédérations sportives depuis quelques années, est un exemple parmi d’autres. En 2019, une vaste enquête du média Disclose dévoilait 77 affaires de pédophilie ayant fait près de 300 victimes, la plupart âgées de moins de 15 ans au moment des faits, dans les clubs de 1970 à nos jours. Ces investigations journalistiques ont illustré les graves manquements, parfois volontaires et surtout structurels, de fédérations envers leurs devoirs de protection des licencié·es, et en particulier les mineur·es, inscrit·es dans leurs associations ou leurs centres de formation.

À la suite de l’émotion suscitée par ces chiffres vertigineux et les prises de paroles courageuses de certaines athlètes - on pense par exemple à la patineuse Sarah Abitbol qui témoignait dans le livre Un si long silence -, la Ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques Amélie Oudéa Castera a finalement décidé de créer une Commission « Sport et éthique ». Composé de « douze personnalités qualifiées », ce groupe monté en mars dernier est appelé à faire des propositions pour une « gouvernance du sport plus éthique » et une « protection renforcée des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violences et de discriminations ».

Quelques années plus tôt, sa prédécesseuse, Roxana Maracineanu, avait d’ailleurs généralisé l’obligation du contrôle d'honorabilité des bénévoles en parallèle de la mise en place de « Signal sports ». L’objectif de cette cellule est de permettre à chaque dirigeant·e, animateur·rice et membre d’un club sportif (ou à leurs proches) de dénoncer des actes de violence à caractère sexuel dont ils/elles auraient été victimes ou dont ils/elles auraient eu connaissance en écrivant un mail à l’adresse suivante : signal-sports@sports.gouv.fr.


L’Assemblée s’en mêle

Signal-sports s’est toutefois retrouvée concurrencée par une autre initiative, certes imaginée avec un objectif différent, issue de l’Assemblée nationale. Le 13 septembre dernier, les députées Sabrina Sebaihi (EELV) et Béatrice Bellamy (Horizons) ont en effet lancé une plateforme de signalement des violences dans le sport baptisée « Balance ton sport », intitulé qui renvoie directement à l'hashtag #balancetonporc du mouvement #metoo.

Si la formulation fait débat, retenons que l’initiative est issue d’une Commission d’enquête parlementaire créée en juin 2023 et « relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ». Une Commission à laquelle tous les groupes de l’Assemblée participent, sauf le RN qui a claqué la porte au bout de quelques auditions estimant qu’elle n’est pas assez focalisée sur « l’infiltration islamiste » dans les clubs.

Victimes, sociologues, lanceur·ses d'alertes, associations, fédérations, ministres, parlementaires, journalistes, anciens sportif·ves professionnel·les ou encore entraineur·ses ; de très nombreux·ses acteurs et actrices du sport français ont été interrogé·es. Au total, 93 auditions, parfois organisées à huis-clos, mais la plupart du temps ouvertes à la presse, ont été réalisées.

Le constat est accablant. Les témoignages nous ont renvoyé à des situations d'emprise, de violences sexuelles et de racisme extrêmement graves. Devant un auditoire horrifié, une victime a par exemple expliqué avoir été violée 400 fois par son entraineur…

La complémentarité des auditions a permis, n'en déplaise à certain·es dirigeant·es du sport français qui ont critiqué la mise en place de cette Commission, de mieux comprendre les imprécisions et incompréhensions des fédérations et du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Faut-il se limiter à orienter les victimes vers Signal sports ou les fédérations sportives doivent-elles également proposer leurs propres cellules ? Quid des violences à caractère homophobe ou raciste actuellement non-prises en charge ?

Les travaux de la Commission ont également révélé le manque de moyens alloués à la cellule Signal sports, ainsi que l'affaiblissement des services déconcentrés du ministère, même si le budget 2024 prévoit la création de postes dédiés à ces questions. Le sujet des commissions de disciplines des fédérations a longtemps a fait l’objet d’un dialogue de sourds entre les dirigeant·es de ces dernières et les parlementaires. Les président-es des fédérations sont-ils ou elles responsables des décisions prises par leurs commissions ?

Même question concernant les comités d'éthique. Qui connaît la procédure liée à l’article 40 du Code de procédure pénale qui impose aux personnes détentrices d’une autorité (en l'occurrence aux président·es et aux directeur·rices techniques nationaux·les des fédérations délégataires) d’informer le procureur de la République de tout crime ou de tout délit dont elles ont ont connaissance ?

Une proposition est souvent revenue : celle de créer une structure indépendante du ministère et du mouvement sportif pour traiter des dossiers de violences dans le sport, à l’image de l’Agence française de lutte contre le dopage, ou au sein du CNOSF. La complémentarité des auditions a permis, n'en déplaise à certain·es dirigeant·es du sport français qui ont critiqué la mise en place de cette Commission, de mettre en lumière nombre de « trous dans la raquette » dans les interrelations entre les fédérations et le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.


Vivement 2024 ?

Le travail de la Commission, largement médiatisé, a présenté un sport français parfois déconnecté des réalités sociales et parfois conscient des transformations à mettre en place, tant sur le fonctionnement que sur le contenu des pratiques, et tout en mettant en avant le manque de moyens alloués aux fédérations concernant ces sujets. Rappelons qu'Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait envisagé de supprimer le statut des conseillers techniques sportif·ves notamment placé·es sur ces missions auprès des fédérations... En outre, de très graves accusations ont pu être prononcées à l'égard de plusieurs fédérations, ou de leurs dirigeant·es.

« Rien n’a changé, ou si peu », constatait également le journaliste Nicolas Lepeltier dans Le Monde le 12 novembre dernier.

« Le profil des dirigeants sportifs non plus, depuis de nombreuses années : dans l’écrasante majorité, des hommes blancs, d’un certain âge. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport impose la parité et la limitation des mandats, mais elle ne sera applicable qu’aux prochaines élections fédérales, en 2024. »

La réalité du sport français a été exposée et le besoin de le réformer en profondeur semble, surtout dans l’intérêt des pratiquants et pratiquantes, indispensable. Malheureusement, le travail abattu par les commissions d’enquête, quelles qu’en soient la qualité ou les recommandations (celles sur les dysfonctionnements des fédérations seront dévoilées en décembre prochain), ne sert à rien sans véritable volonté politique, et donc législative.

« Ce mouvement sportif est fragilisé, depuis des années, par un manque de politique publique conséquente », affirmait d’ailleurs Marie-George Buffet, l’ancienne ministre des Sports, en conclusion son audition.

« Il est fragilisé parce que règne dans le mouvement sportif un entre-soi, une culture, qui fait que ce mouvement sportif a du mal à se saisir des exigences sociétales, sociales, éthiques de notre époque. Un mouvement sportif qui aurait besoin d'un profond renouvellement. »

Il y a ainsi fort à parier qu'une nouvelle reforme de la gouvernance des fédérations sportives voit le jour après les JOP de Paris 2024...


 

Commission d’enquête : La FSGT auditionnée…

Coprésidente de la FSGT, Emmanuelle Bonnet Oulaldj était à l’Assemblée nationale le 26 octobre dernier afin d’être auditionnée par la Commission d’enquête « relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ». Après avoir rappelé l’histoire et les valeurs de la FSGT, elle a tout d’abord tenu à préciser que le sport ne portait pas de « valeurs positives intrinsèques. Des violences et des discriminations, il y en a, il y en aura malheureusement toujours, dans tous les milieux sociaux. Mais plus on créera les conditions d’un environnement et de contenus adaptés, plus on préviendra ces faits et plus les pratiquantes et pratiquants seront autonomes. Ce qui fonde, ou ce qui devrait fonder le fonctionnement des fédérations sportives, c’est, selon moi, le principe de la Loi 1901 sur la liberté d’association. » La dirigeante de la FSGT a également insisté sur l'importance des contenus et d'une pratique omnisport par le jeu, permettant de développement des compétences physiques, mais également cognitives, pour mieux protéger l’athlète, et a valorisé le rôle des fédérations multisports dans ce domaine.

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