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CNOSF : une élection & une mission

Dernière mise à jour : 1 août

Tout juste élue à la tête de l'institution, l’ex-ministre Amélie Oudéa-Castéra va devoir sauver le service public du sport.

© CNOSF/KMSP
© CNOSF/KMSP

« Amélie Oudéa-Castéra, seule candidate en lice, a été élue présidente du CNOSF pour un mandat de quatre ans, avec 100 % des voix exprimées, soit 920 voix sur les 982 présentes. » Malgré ce communiqué officiel enthousiaste, les 62 abstentions laissent penser que la désignation de celle qui est désormais censée porter la voix du sport français suscite des interrogations ou des réserves.

 

Une élection sans concurrence 

 

Organisé le 19 juin dernier, le vote n’a réservé aucune surprise, puisque Didier Séminet, le seul rival en lice, s’était retiré quelques jours plus tôt, reconnaissant que l’issue était déjà décidée. Il avait néanmoins dénoncé des « pressions politiques et institutionnelles » qui auraient influencé sa décision. Cette situation a conduit à une élection sans concurrence, une première depuis 1972 et amené Céline Machado, coprésidente de la FSGT, à déplorer « une configuration institutionnelle qui affaiblit le principe d’un débat ouvert et démocratique au sein de l’organisation ». Elle pointe également un autre élément préoccupant : « la nette diminution de la représentation féminine au sein du nouveau conseil d’administration, passé de 17 à 14 femmes, soit seulement 28 %. Une régression d’autant plus inquiétante que la parité devrait constituer un pilier des politiques sportives nationales. Cette évolution compromet la représentativité des instances. » 


Restaurer une certaine normalité

 

Au-delà de sa portée institutionnelle, cette élection s’est déroulée dans un contexte singulier. Sur le plan interne, il s’agissait de restaurer une certaine normalité, voire stabilité, après l’épisode douloureux du départ quasi forcé de Brigitte Henriques, survenu en 2023 à la suite d’une série de règlements de comptes au sein de la famille olympique. David Lappartient, qui était le président de l’Union cycliste internationale (UCI) et celui du conseil départemental du Morbihan, avait pris sa succession dans la précipitation, avec pour objectif principal d’éviter toute polémique ou agitation. Il s’est d’ailleurs distingué par une attitude très discrète, même pendant la période d’euphorie autour des JOP de Paris 2024. 

 

Des fédérations refroidies 

 

Justement, l’héritage olympique s’avère particulièrement amer pour le mouvement sportif français, une sorte de gueule de bois après la fête de l’été dernier. Des traces de cet événement sont encore visibles aujourd’hui - telles que la mise à disposition du public du Prisme, un équipement multisports en Seine-Saint-Denis, ou encore l’ouverture, début juillet, de la baignade dans la Seine à Paris -, mais, depuis un an, l’aggravation d'un climat économique déjà morose et la politique budgétaire des gouvernements successifs n’ont cessé de refroidir l’enthousiasme des fédérations sportives. Faute de soutien financier, les clubs éprouvent le plus grand mal à accueillir les jeunes séduit·es par la pluie de médailles tricolores, et 425 athlètes ont signé, en janvier 2025 dans L’Équipe, une tribune appelant l’État à tenir ses engagements, en n’hésitant pas à parler de « sabotage ».

 

Une diminution des budgets sports 

 

Dans les collectivités, principales pourvoyeuses de fonds du service public du sport, ce dernier fait souvent partie des premiers sacrifiés sur l’autel de l’austérité. Le baromètre des subventions publiques locales aux clubs sportifs, publié en mai par l’Association nationale des élus en charge du sport, remarque que 43 % d’entre elles annoncent une diminution des budgets sports et 49 % réduisent leurs investissements en matière d’infrastructures. À titre d’illustration, en Ille-et-Vilaine, les financements du département ont chuté de moitié pour la culture et l’activité physique. 

 

Un retour sur le terrain politique 

 

Face à cette situation, comment allait réagir Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports de mai à septembre 2024, et dont la proximité avec le président de la République, issu de la même promotion qu’elle à l’ENA, n’est un secret pour personne ? Le président d'honneur du CNOSF, Denis Masseglia, avait partagé son inquiétude dans une lettre adressée, avant l’élection, aux membres de l'assemblée générale de l'instance. Il demandait, avec une fausse candeur, s’il était normal qu’une ancienne ministre vienne « solliciter les voix des fédérations avec lesquelles elle a eu des relations de demandeur à décideur durant son mandat de ministre des sports, et qui plus est, des Jeux olympiques et paralympiques » ? La principale intéressée a simplement répondu que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique avait validé sa candidature, et ses premières prises de position témoignent d’un retour du CNOSF sur le terrain politique, avec la volonté de s’affirmer comme un interlocuteur auprès du gouvernement, ou tout au moins comme le porte-parole des intérêts du sport français. 

 

Amélie Oudéa-Castéra condamne  

 

Dans une lettre adressée à Marie Barsacq, qui lui a succédé au sein du gouvernement, la nouvelle présidente du CNOSF dénonce en effet la décision de restreindre le champ d’application du Pass’Sport, dispositif d’aide financière à la prise de licence instauré après la crise du Covid-19 pour favoriser le retour des jeunes dans les clubs, dont les 6-13 ans sont désormais évincé·es. La Fédération française de football, dans une réaction officielle sur son site Internet, en détaille d’ailleurs les conséquences concrètes et massives : « Sur les 977 000 licenciés de moins de 14 ans que compte la FFF, 375 000 d’entre eux bénéficiaient jusqu’à aujourd’hui du Pass’Sport ». Amélie Oudéa-Castéra souligne également que près de 300 millions d’euros de crédits dédiés au sport avaient été annulés ou gelés, soit 50 % des moyens votés pour 2025 dans le budget de l’État, et, condamne, avec une mémoire sélective sur son propre bilan, ce qui se traduit de facto par « une fragilisation démesurée qui frappe directement nos clubs, nos territoires et nos actions de développement de la pratique, à un moment où l’ambition politique a été maintes fois affirmée de faire de la France une nation plus sportive ». Le ton de sa lettre se fait ensuite plus ferme et inquiet : « Alors je vous pose la question et attends de votre part une réponse franche : faut-il s’attendre, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, à de nouvelles coupes budgétaires ? » Dans la continuité de cette interpellation, un communiqué officiel, publié le 17 juillet par le CNOSF et le Comité paralympique sportif français, stigmatise l'actuelle orientation politique qui aurait pour conséquence de piétiner « toute une génération, tout un modèle, tout un héritage ».  

 

Sauver le service public du sport 

 

Aussi louables soient-ils, ces propos risquent de demeurer lettre morte face au gouvernement. Il reste à mobiliser l’ensemble du mouvement sportif, de la base jusqu’au sommet, afin de garantir, voire de sauver, le service public du sport. Céline Machado compte en tout cas faire partie de celles et ceux qui vont se battre, car « la FSGT restera toujours engagée pour un sport fédéré fort, pluraliste et représentatif ! »


« Alors je vous pose la question et attends de votre part une réponse franche : faut-il s’attendre, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, à de nouvelles coupes budgétaires ? » Amélie Oudéa-Castéra interroge le gouvernement  

 


Un joli salaire, mais...

 

Parmi les polémiques qui ont entouré l’élection d’Amélie Oudéa-Castéra, il convient de s’attarder sur les révélations du Canard Enchaîné. Le journal satirique a dévoilé que la candidate revendiquait un salaire de 9 000 euros brut mensuels si elle était élue. Historiquement, le poste était officiellement exercé de manière bénévole - même si cela n’empêchait pas de généreux défraiements et autres avantages divers, notamment en « nature » -, mais la règle a évolué avec l’ancienne présidente Brigitte Henriques (2021-2023). Une décision validant une rémunération de 9 000 euros brut avait été adoptée lors de l’assemblée générale du CNOSF en 2021, recueillant 80 % des voix. Son successeur, David Lappartient, avait choisi de ne pas être rémunéré dans l’exercice de son mandat. Il faut préciser qu’il percevait déjà, comme président de l’Union cycliste internationale, pas moins de 346 000 francs suisses (un peu moins de 370 000 euros) annuels, sans compter ses autres revenus en tant qu’élu local. 

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