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Tout savoir sur le sport & l’amputation

Photo du rédacteur: Nicolas KssisNicolas Kssis
Le sport peut se révéler important, voire nécessaire, pour accompagner les personnes ayant subi l’amputation d’un membre.  


Il n’existe pas de statistiques précises sur le nombre de personnes amputées en France. Quelques données sont néanmoins disponibles. Une étude épidémiologique menée entre 2011 et 2020 a recensé pas moins de 1 616 amputations au niveau des membres supérieurs (des bras, donc) et 116 866 des membres inférieurs (des jambes). En se basant sur ces chiffres, on peut donc estimer que des centaines de milliers d'individus seraient amputés dans l’Hexagone à l'heure actuelle.


Plus de 90 % des amputations sont la conséquence d'une maladie touchant les artères, notamment l'artériopathie oblitérante (due généralement à un dépôt de cholestérol perturbant la circulation sanguine et l’apport d’oxygène aux muscles), tandis que 8 % surviennent à la suite d'un traumatisme. Le geste chirurgical consiste à sectionner l'os avant de réaliser une myoplastie, une suture des masses musculaires formant ainsi le moignon. Un implant peut être ensuite installé pour accrocher une prothèse.  


Se réapproprier son corps 

 

Dans le domaine des activités physiques, la visibilité des personnes amputées est souvent focalisée sur les sportif·ves de haut-niveau. Lors des Jeux paralympiques, des épreuves leur sont réservées et de nombreux·ses athlètes sont toujours présent·es. Le nageur Laurent Chardard, dont une jambe et un bras ont été arrachés par un requin, ou la kayakiste Nélia Barbosa, qui a perdu une partie d’un membre inférieur en raison d’une maladie génétique, ont par exemple pris part à Paris 2024.  


Toutefois, le sport est surtout un puissant vecteur de reconstruction pour les personnes amputées. Il les aide à reprendre une vie normale en se réappropriant leur corps, notamment sur le plan psychomoteur. Car si la rééducation, la physiothérapie ou la kinésithérapie sont des étapes indispensables, la musculation est également citée comme une phase fondamentale. Il faut parfois « réarmer » des parties parfois négligées : les bras, le dos ou la ceinture abdominal. Il s’agit aussi d’apprendre une mobilité différente avec une prothèse ou simplement un nouveau sens de l’équilibre, un moment crucial dans lequel le sport peut jouer un rôle. 


Il ne faut pas non plus négliger la dimension psychologique. Car le sport permet également de se réinsérer dans la vie sociale, en particulier après le traumatisme de l’acte chirurgical et ce qui l’a imposé. Illustration avec Abel Aber, athlète de para-canoë qui a aussi participé aux derniers Jeux paralympiques. Ayant perdu la jambe droite après un accident de scooter à l'âge de 17 ans, il s'est très vite tourné vers l'activité physique pour dépasser cette épreuve. Auprès de France 3 en juin 2024, il confiait qu’« après (son) amputation, le sport a été (son) médicament, (sa) thérapie pour (se) reconstruire moralement et socialement. » 


Plus largement, les activités physiques participent à une prise de confiance qui rejaillit sur la façon dont la personne ayant subi une amputation se sent et se positionne dans la société. Dans un document produit en 2023 par Valentine Gourinat et Paul-Fabien Groud, une chercheuse et un chercheur de l’Université Lyon 1, Geneviève (50 ans, amputée tibiale) le résumait fort bien :

« On se sent limité, et le fait de pratiquer un sport, ça permet de repousser un peu ces limites. Le fait de participer à un trek ou aux randos, ça facilite le quotidien après. Qui peut le plus peut le moins. »

Mais si le sport s’inscrit dans un processus de reconstruction après une amputation, il n’est malheureusement pas assez répandu. L’Association de défense et d’entraide des personnes amputées note que seule « une minorité peut pratiquer des activités sportives régulièrement. On ne peut que le regretter dans la mesure où la pratique d’un sport est un facteur de bonne santé et d’équilibre. » 


Enfin, pour les personnes qui étaient déjà sportives avant d’être amputées, la reprise de la pratique s’inscrit dans le retour à une vie « normale ». Il faut cependant se prémunir d’une illusion miraculeuse (cela ne peut suffire) ou même d’une volonté de retrouver toutes les performances ou sensations d‘avant. C’est ce qu’expliquaient Valentine Gourinat et Paul-Fabien Groud. « Bien que globalement bénéfique, le sport n’est pour autant pas un outil magique », pouvait-on lire dans leur document.

« Il est important de prendre conscience des risques qu’il représente pour la santé quand il n’est pas bien fait. »

D’ailleurs, précisons que l'activité physique intense peut également provoquer des amputations. On se souvient de l’histoire de Bruno Rodriguez, ancien footballeur professionnel qui a demandé à être amputé de sa jambe, celle-ci étant devenue une source de souffrance permanente à la suite d'un usage excessif des infiltrations au cours de sa carrière.


La prothèse dorée 

 

Le choix de la discipline compte également après une amputation, même si aujourd’hui, avec les progrès technologiques, peu sont inaccessibles. Seulement, le coût des équipements reste souvent rédhibitoire. Nombreux·ses sont les sportifs et sportives amputé·es, en particulier d'une jambe, à devoir puiser dans leurs économies et/ou recourir aux prêts bancaires pour financer des prothèses adaptées à leurs activités. Dans un article paru en 2023, Science et avenir précisait en effet que « les appareillages conçus spécifiquement pour une pratique sportive ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale, contrairement à ceux destinés à la vie quotidienne ». Or, les prothèses des « personnes amputées au-dessus du genou, composées de davantage de pièces, peuvent atteindre jusqu'à 20 000 euros ». 


Les médecins orientent en conséquence vers des activités plus facilement réalisables. « Certains sports aux mouvements moins brusques, comme le yoga, la musculation ou encore le kayak, peuvent se pratiquer plus aisément avec une prothèse de vie quotidienne », précisait le média Handinova en 2023.

« Rares sont les sports accessibles sans appareil, mais ils existent : la natation par exemple. »

Si ces pratiques sont les plus bénéfiques en termes de santé et de rééducation motrice, elles peuvent néanmoins frustrer les recherches de plaisir... Cette situation fournit donc une triste illustration des impasses de l’actuelle politique de santé publique. Elle met en avant le sport comme outil de soin et de bien-être, tout en refusant d’y mettre les moyens, y compris pour les personnes en situation de handicap.

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