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FSGT 90 ans I 1936 : l’Olympiade avortée... 

Créée en 1934, la FSGT fête cette année ses 90 ans ! À cette occasion, SPA a préparé une série d’articles traitant de l’histoire de la Fédération. Publié dans ce numéro, le premier d’entre eux revient sur l’Olimpiada popular qui devait se dérouler à Barcelone en 1936, mais qui n’aura malheureusement jamais eu lieu... 

Une partie de la délégation française pour l’Olimpiada popular, au départ de la Gare d’Austerlitz à Paris. © FSGT 

Barcelone est pavoisée en ce mois de juillet 1936. La ville s’apprête à accueillir un grand événement sportif international : l’Olimpiada popular !  

En effet, après les défaites politiques en Italie et en Allemagne, l’espoir renaît en Europe. On lève le poing et les républicains font front partout où cela est encore possible. Front Populaire en France, Frente Popular en Espagne.   

Sous le soleil de plomb estival, tout ce que le sport compte de progressistes, d’humanistes ou encore d’antifascistes convergent vers la capitale catalane. Ils et elles souhaitent tou·tes prendre part à une olympiade populaire qui découle directement du vaste mouvement de boycott des JO de Berlin 1936, ces « olympiades de la honte » pour lesquelles le CIO (Comité international olympique) s’est agenouillé devant Hitler.   

L’indignation était née aux USA, au sein d’organisations diverses. En France, la toute jeune FSGT s’engouffre évidemment dans la lutte. En vain, l’Assemblée nationale, qui a pourtant mis Léon Blum à la tête du gouvernement, permet à une délégation tricolore de se rendre dans l'Allemagne nazie...   

Surgit alors une idée : mettre en place d’autres Jeux ! Des jeux qui seront organisés par les sportifs et sportives catalan·nes, Barcelone ayant été la candidate malheureuse face à Berlin, et qui prennent donc le nom d’Olimpiada popular.   

 

Une olympiade avortée...   

 

Attention, l’Olimpiada popular de Barcelone n’a rien, ou presque, à voir avec les Olympiades ouvrières de l’Internationale sportive ouvrière socialiste, qui s'étaient par exemple tenues à Francfort en 1925, ou les Spartakiades communistes de l’Internationale rouge des sports, dont la dernière édition avait aussi eu lieu en Allemagne en 1931. Ouvert à toutes les organisations, cet événement constitue également une alternative au modèle dominant élitiste. Des compétitions destinées au plus grand monde sont programmées, il y a une forte dimension culturelle et artistique et des disciplines non-reconnues par le CIO, à l'instar du tennis de table, sont présentes.   

Sans omettre la reconnaissance, parmi les 23 délégations, dont 1 500 Français et Françaises, de nationalités sans États et d’équipes d’exilé·es italien·nes ou allemand·es. C’est ainsi que débarquent des structures juives telles que les Yasc, issues des mouvements ouvrier et révolutionnaire. Parmi elles se trouve d’ailleurs un certain Alter Mojsze Goldman, dont on connaît mieux les fils, Pierre, le héros maudit, et assassiné, de Mai 68, et Jean-Jacques, chanteur à succès qui publiera un disque en hommage à cette famille de militants.  

Toutefois, les participant·es ne se recrutent pas que dans les troupes du sport ouvrier. Il s’agit parfois juste de sympathisant·es au sein d’associations « classiques », comme Charles Nicolle, membre du Club nautique havrais, ou Albert Ferrasse de Marmande (Tarn-et-Garonne).   

Alors âgé de 19 ans, le futur président de la FFR, qui se fera une mauvaise réputation dans les années 1970 en défendant les rencontres de l’équipe de France de rugby face à une Afrique du Sud en plein apartheid, s’avère être un excellent pongiste de l’Ufolep. Sous les auspices du rapprochement entre la FSGT et les patronages laïques, le voilà qualifié pour se rendre à l’Olimpiada popular.  

Le 17 juillet, ils et elles sont environ 3 000 à défiler devant les enceintes du fameux stade Montjuïc. Si tous les gradins sont bondés et que la foule républicaine est acquise à leur cause, la fête sera malheureusement de courte durée... Dès le lendemain, les athlètes deviennent les premiers spectateur·ices d’une guerre civile provoquée par un coup d’État nationaliste et annonçant le prochain conflit mondial.   

À l’époque jeune adhérent du CSU (Club sportif universitaire) FSGT de Paris, René Rival n’avait pas pu se rendre à l’événement. Ce qui n’était pas le cas de son frère aîné. Ce dernier lui relatera donc la survenue des premiers combats dans la capitale catalane dès son retour en France.    

« À l’arrivée à Paris par le train, mon frère et les autres copains du CSU racontèrent que le lendemain du début de la rébellion, alors que les fascistes tiraient sur le toit de l’hôtel pour créer une atmosphère de panique, les étudiants français étaient réunis dans le grand salon au premier étage », témoignait-il dans un numéro de Dire en APS, l’ancienne revue théorique de la Fédération, publié en 1996.

« C’était l’été, les fenêtres étaient grandes ouvertes et les jeunes gens bavardaient. Tout à coup retentit un coup de feu tiré par la sentinelle de la “Généralité de Catalogne”, située en face de l’hôtel. Tout le monde se mit à terre, mais celui qui ne se releva pas était le seul client espagnol de l’hôtel, touché en plein front : il était mort. Par une bien triste ironie du sort, il était en train de vanter les mérites du nouveau gouvernement de “Frente popular“. »  
 
Des terrains au front !   

 

Au retour, la plupart pense qu’il ne s’agit que d’un report. Or les affrontements s’enlisent et les vraies questions se posent. Revenir, bien sûr, mais pour se battre avec les Brigades internationales !  

Emmanuel Mink, jeune immigré polonais et footballeur du Yasc de Bruxelles, qu’il avait monté avec son camarade Abrascha Krasnowiecki, un ancien du Bund, franchit tout de suite le pas.

« Nous étions venus défier le fascisme sur un stade et l'occasion nous fut donnée de le combattre tout court (…) Dans les rues principales de Barcelone, Las Ramblas, nous avons vu des affiches énormes qui appelaient les ouvriers aux armes. Avec un ami hongrois, nous nous sommes présentés le 21 juillet à un bureau de recrutement. Nous avons expliqué aux fonctionnaires que nous étions des athlètes travaillistes juifs, qui voulaient combattre les fascistes et devenir soldats des milices ouvrières » (Nous sommes foot, Mucem).   

Il rejoindra ensuite la légendaire Compagnie Naftali Botwin, dont il fut le dernier commandant au sein du Bataillon Dombrowski. Blessé, il se réfugie en France et rejoindra la Résistance pendant l’Occupation. Caché un temps chez Henri Krasucki, lui aussi ancien du Yasc de Paris, il est arrêté en 1942, puis déporté vers Auschwitz, dont lui aura la chance de revenir.  

Sur le front, la situation tourne mal. L’immobilisme des démocraties, tout comme les divisions du camp républicain, condamne le Frente Popular. Les perdant·es commencent donc leur retirada (« retraite »), qui s’accélère avec la chute de Barcelone le 26 janvier 1939.  

Celles et ceux qui se sont réfugié·es en France sont souvent parqué·es dans des camps et survivent dans des conditions précaires avec leurs familles. Dans le Sport, la revue de la FSGT et l’ancêtre de SPA, de mai 1939, André Deschamps, dirigeant national de la Fédération, lance d’ailleurs un vibrant appel à la solidarité travailliste avec ces exilé·es :

« Il faut que ceux dont les revers n'ont pas diminué le moral et qui sont prêts à combattre avec nous, si la douloureuse nécessité nous en était imposée, il faut que ceux-là sentent notre sympathie active, notre solidarité efficace. »   

Dans le numéro de juin du magazine, on annonce le destin dramatique d'Ermino Linassi. Ancien responsable de l'enfance au sein de la FSGT et engagé dans les Brigades internationales, il décédera après une blessure prise en charge trop tardivement par les autorités françaises.  

Enfin, toujours dans les colonnes du Sport de mai 1939, un réfugié espagnol énonce une phrase prophétique :

« Nous sommes prêts, si c'est nécessaire, à combattre à vos côtés contre le fascisme de même que nous l'avons fait pendant trois ans dans notre pays, à Guadalajara, à Teruel, sur l'Ebre et à Madrid. »

Le monde est seulement à quelques semaines du début de la Seconde Guerre mondiale... 


 

La FSGT et le Front Populaire  

 

La FSGT est directement liée au Front Populaire. Le processus d’unité qui a conduit à la création de la Fédération en décembre 1934 résulte du processus unitaire au sein du mouvement ouvrier français « devant les menaces de fascisme et de guerre », comme le souligne sa charte constitutive. Le sport travailliste participe ensuite à l’élaboration et la mise en place d’une politique progressiste du sport et des loisirs, notamment à travers son programme « Pour une jeunesse saine, forte et joyeuse » soumis à tous les partis avant les élections législatives de 1936. Certains points seront repris par le secrétariat d’État de Léo Lagrange, dont le cabinet compte des personnalités issues du sport ouvrier et proches des socialistes. En outre, la FSGT, de par son développement (120 000 membres en 1938), participe directement de la démocratisation des pratiques sportives, notamment dans les entreprises et en plein air.   


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