L’EPS constitue un enjeu essentiel de la démocratisation des activités physiques et sportives auprès de l’ensemble de la population. Enseignant en Staps à l'Université Paris-Est Créteil et coauteur, avec Serge Durali, d’Une histoire politique de l’EPS (éditions De Boeck), Guillaume Dietsch nous propose un retour historique sur la discipline ainsi qu’une analyse de sa situation actuelle.
Quels ont été et quels sont les différents rôles de l'éducation physique et sportive (EPS) ?
Guillaume Dietsch : Tout au long de son histoire, l’éducation physique et sportive a oscillé entre plusieurs finalités : militaristes, hygiénistes, sportives et citoyennes. Depuis 1981, l’EPS, en tant que discipline scolaire, est rattachée à l’Éducation nationale. Elle doit donc répondre aux objectifs de l’institution, se conformer aux attentes et aux règles de l’école. Dans la période actuelle, la crise sanitaire a mis en exergue l’impérieuse nécessité de « faire bouger » les jeunes. Cette orientation en contexte de pandémie semble révéler un glissement vers une éducation physique exclusivement sanitaire au détriment de ses autres dimensions. Car enseigner l’EPS revient d’abord à transmettre une culture, à socialiser les élèves dans une vision holistique de la culture corporelle : physique, mais aussi psychologique et sociale. De plus, les aspirations et les goûts sportifs des jeunes varient selon le milieu social ou encore le sexe. L’école et la discipline jouent ainsi un rôle important dans l’éducation à la culture physique et sportive, permettant l’émancipation des élèves. À l’école tout particulièrement, les cours d’éducation physique et sportive sont l’occasion pour les filles et les garçons de pratiquer en mixité. A travers cette co-éducation, ils offrent l’opportunité de lutter contre les stéréotypes sexués..
Quid des connexions entre la FSGT et le monde de l'EPS ?
Guillaume Dietsch : Les relations avec la FSGT ont été intenses et fructueuses pour l'éducation physique et sportive. Dans les années 1960-1970, la Fédération a été massivement investie par des professeurs et des étudiants d’EPS. Des innovations pédagogiques et didactiques autour des activités physiques et sportives seront formalisées dans les mémentos du Conseil pédagogique et sportif et cette période constituera l'apogée de la FSGT avec environ 300 000 licenciés. L'élaboration d'un « sport de l'enfant » par Robert Mérand [professeur de la discipline et formateur au sein de la Fédération] et d’autres acteurs FSGTistes permettra alors la mise en place d’un modèle novateur et alternatif au modèle techno-centré. Il influencera ensuite les conceptions de l'éducation physique et la manière d'envisager l'analyse et l'enseignement des activités physiques et sportives.
Quelle est la situation actuelle de l'EPS ?
Guillaume Dietsch : La situation de l’éducation physique et sportive demeure ambivalente : discipline jugée fondamentale dans les discours, mais « non-essentielle » dans les moyens engagés par les politiques publiques en termes d’éducation et de sport. Nous assistons à une véritable confusion entre une discipline scolaire et la promotion d’un temps d’activité physique à travers les campagnes de communication « 30 minutes d’activité physique quotidienne ». Le volume horaire de l’EPS en primaire et au lycée reste insuffisant au regard des exigences de formation des élèves parfois éloignés de la pratique sportive. La volonté de remplacer partiellement des professeurs d’éducation physique par des éducateurs sportifs est apparue durant la période du Covid-19 et cette intention reste présente avec les « deux heures de sport » par semaine en collège. Mais ce nouveau dispositif ne prend pas appui sur l’existant : la continuité entre l’EPS et le sport scolaire, la complémentarité entre les sections sportives scolaires et les associations sportives. Cela crée de la confusion entre l’éducation physique et sportive obligatoire et un temps d’activité physique et cela met davantage en concurrence les différents intervenants qui se partagent des installations sportives largement insuffisantes en nombre. L’EPS cherche également à s’adapter au contexte sociétal, aux nouvelles pratiques des jeunes. C’est le rôle de l’école de réfléchir aux valeurs à transmettre. Face aux problématiques de sédentarité, à l’urgence climatique, l’enseignant est un passeur culturel qui peut influencer les élèves, leur capacité à réfléchir à leurs actions, pour devenir des citoyens éclairés et libres de construire la société de demain.
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