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« Lutter contre les violences pour une société plus juste »

Dernière mise à jour : 1 août

La FSGT a récemment signé une convention avec l’association Artémis sport concernant les VSS. Interview de Patrick Roux, son président.

Patrick Roux (à gauche), président de l'association Artémis, et Antonio Fonseca (à droite), coprésident de la FSGT, ont signé le 23 mai dernier une convention entre les deux structures. © FSGT
Patrick Roux (à gauche), président de l'association Artémis, et Antonio Fonseca (à droite), coprésident de la FSGT, ont signé le 23 mai dernier une convention entre les deux structures. © FSGT

 

Pouvez-vous nous présenter brièvement l’histoire et les missions de votre association ?

 

L’association Artémis a été fondée en 2020, dans le sillage des révélations de l’ancienne championne de patinage artistique Sarah Abitbol. Elle dénonçait dans son livre les violences sexuelles qu’elle avait subies. Sa confession survenait trois ans après l’explosion du mouvement #MeToo qui avait contribué à libérer la parole des victimes. Dans la foulée, de nombreux témoignages ont émergé, créant un véritable effet boule de neige. Pour la première fois, la ministre des sports de l’époque, Roxana Maracineanu, s’est saisie du sujet et l’a porté publiquement, notamment dans les médias. Un véritable tsunami a alors déferlé sur le monde sportif, révélant l’ampleur des violences subies. Nous avons commencé à échanger, à ouvrir les yeux sur les réalités longtemps ignorées : des révélations étouffées, des carrières brisées par le silence ou par la peur de parler. Ce qui n’était au départ qu’un petit groupe de réflexion s’est rapidement élargi. Nous avons compris que ces violences touchaient tous les territoires. L’objectif initial de l’association était simple : venir en aide aux victimes, souvent livrées à elles-mêmes et en grande souffrance. Nous ne sommes pas dans une démarche institutionnelle. Travaillant aux côtés des bénévoles, des arbitres et des pratiquant·es, nous désirons toucher l’ensemble du tissu associatif du sport. Progressivement, nous avons mis en place un dispositif d’écoute ainsi que des espaces de parole. Pour celles et ceux qui le souhaitent, ces échanges peuvent conduire à un signalement. Nous accompagnons ensuite les victimes sur le long terme, car le chemin qui suit la prise de parole est souvent complexe, douloureux et difficile pour elles. Au fil du temps, notre regard s’est élargi : lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le sport, c’est aussi œuvrer pour une transformation profonde de la société. Nous renforçons nos actions en travaillant de plus en plus en réseau avec des associations issues d'autres secteurs qui partagent nos préoccupations et notre engagement.

 

Pourquoi est-il important que des fédérations comme la FSGT signent une convention avec votre association ?

 

Notre expérience l’atteste : les violences sexuelles, physiques ou psychologiques touchent tous les milieux, qu’il s’agisse de la culture, des sciences ou encore de l’Église catholique, comme l’a montré l’affaire de Betharram. Le monde du sport n’est pas épargné. Pour engager un réel changement en profondeur, les actions menées par les associations comme la notre doivent être reprises, renforcées et soutenues par les fédérations. Bien que certaines s’y mettent, le sport de haut niveau reste souvent dominé par les logiques de performance, de médailles, de notoriété et de sponsoring. Ces objectifs entrent fréquemment en contradiction avec les exigences de lutte contre les violences. Les fédérations olympiques privilégient parfois les succès sportifs au détriment du bien-être des individus. Dans ce contexte, il est crucial que des fédérations à forte dimension sociale telle que la FSGT - forte de son histoire, de son ancrage dans l’éducation populaire et de son engagement en faveur de l’égalité femmes/hommes - prennent position et agissent concrètement. Car lutter contre les VSS consiste d’abord à affirmer que la dignité des personnes prime sur les podiums. C’est défendre la conception du sport au service de l’émancipation et de la transformation de la société.

 

De quels types de comportements parle-t-on exactement ?

 

Les sociologues mettent en évidence un système de triple domination dans le sport : domination de genre (homme/femme), une domination générationnelle (adulte/enfant) et domination professionnelle propre à la relation entraîneur/athlète. Dans le monde du haut niveau, et pas seulement d’ailleurs, l’entraîneur occupe souvent une position centrale, voire absolue : il décide de l’alimentation, du sommeil, de l’avenir de son sportif ou de sa sportive. Lorsqu’un homme de 40 ans entraîne une adolescente de 15 ans, cette asymétrie de pouvoir peut devenir extrême et ouvrir la porte à des dérives dangereuses ou des abus. Il s’agit d’un phénomène structurel. À ce jour, plus de 80 fédérations sont concernées par les 2 000 signalements reçus par le ministère des sports. Environ 2 200 personnes ont été mises en cause. Ces chiffres, comme l’admettent les pouvoirs publics, sont probablement en deçà de la réalité. Trop de victimes se taisent encore, de peur que leur carrière n’en pâtisse. Le sport possède également une spécificité majeure : il engage le corps. Dans la quête de performance, le contact physique est souvent banalisé, y compris entre entraîneur·es et athlètes. Cette proximité, bien que parfois nécessaire, impose une vigilance constante. D’autres problématiques existent, comme les régimes alimentaires imposés, dangereux chez les jeunes, ou encore les violences psychologiques : ces paroles qui humilient, ces « tu es nul·le » répétés qui brisent peu à peu l’estime de soi. À douze ou quinze ans, ce type d’agressions n’est jamais anodin : elles marquent et blessent durablement. Aucune société ne devrait tolérer des pratiques éducatives ou sportives qui détruisent les jeunes. Le sport, au contraire, devrait être un espace d’émancipation, de confiance et d’épanouissement.

 

La formation de référent·es VSS est désormais au cœur des plans d’action de certaines fédérations. Pourquoi est-ce si important ?

 

Parce qu’au-delà de la prévention, nous militons pour former l’ensemble des acteur·rices de terrain : éducateur·ices, entraîneur·es, arbitres, bénévoles, parents… Sensibiliser ne suffit pas. Il est indispensable que chacun·e comprenne le cadre légal, les mécanismes de signalements et ses propres responsabilités. Cette nécessité se heurte à des résistances persistantes, révélatrices d’une société encore largement patriarcale, où certaines attitudes sexistes restent banalisées, notamment sous le couvert d’humour ou de tradition. Cela témoigne de l’ampleur du chantier pour faire évoluer les mentalités.

 

Qu’est-ce qu’un·e bon·ne référent·e, selon vous ?

 

L’objectif n’est pas de former des « gendarmes » chargés uniquement de sanctionner. Il s’agit d’accompagner les personnes de bonne volonté, de faire évoluer des comportements enracinés dans une culture patriarcale et des rapports de domination. Il ne suffit pas de suivre une formation en visioconférence pour être référent·e. Cela requiert un accompagnement dans la durée.  Face à des situations complexes, le rôle de l’équipe est fondamental. Les récits recueillis peuvent être extrêmement lourds et parfois très violents, rendant indispensable un espace d’échange entre collègues, toujours dans le respect de la confidentialité. Le ou la référent·e n’est pas là pour enquêter, mais joue un rôle crucial de relais. C’est dans cette optique que notre association a mis en place un dispositif de soutien, une sorte de « back-up ». Beaucoup de personnes nous disent : « Je ne sais pas si je dois signaler ou pas. Est-ce que je me trompe ? » Notre rôle est de les aider à faire le point, à comprendre la situation et à prendre la décision la plus juste, en les soutenant.

 

Quels conseils donneriez-vous à une fédération ou un club qui hésite encore à s’engager dans une démarche de prévention structurée ?

 

Il est essentiel de comprendre que les violences sexistes et sexuelles ne se retrouvent pas uniquement dans le sport : elles relèvent d’un enjeu société et démocratique majeur. Une culture du silence persiste encore, une forme d’omerta, profondément ancrée, en particulier lorsqu’il s’agit de personnalités influentes. Il est pourtant indispensable de briser ce silence. S’engager dans la prévention des VSS, c’est choisir de défendre un sport plus sain, plus inclusif, plus respectueux. C’est faire le choix du courage. Les VSS sont un enjeu de société et de démocratisation.

 

« Il est essentiel que des fédérations à forte dimension sociale comme la FSGT prennent position et s’engagent concrètement. » Patrick Roux

 


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