Depuis sa naissance, la FSGT a toujours cherché à promouvoir l’accès de tous et toutes à l’ensemble des différentes disciplines sportives. Y compris celles qui pouvaient sembler, pour des raisons aussi bien économiques que géographiques, les plus éloignées des masses et des milieux populaires. Le combat en faveur d’un accès à la voile relevait (et relève) ainsi de cette logique de démocratisation.
La voile peut sembler l’archétype de la pratique bourgeoise, liée à la tradition du yachting et des grandes courses empreintes d’esprit social élitiste comme la Coupe de l’America (créée en 1857). Pourtant cette conquête des mers et des océans va aussi interpeller, à l’instar de l’aviation populaire, le mouvement ouvrier avec l’idée que le progrès technologique doit servir l’émancipation humaine !
Dans son numéro du 4 août 1937, Sport, l’organe de presse officiel de la toute jeune FSGT lie de la sorte la pratique de la voile et les conquêtes sociales :
« Nombreux sont les camarades qui ont profité de leurs vacances pour aller se reposer au bord de la mer et pratiquer la pêche, la natation et, les plus sportifs, un peu de navigation maritime. Les fervents de la voile ont pu s’en donner à cœur joie (…) Si un bateau résiste à un coup de vent, il " étale le vent ". Dans notre lutte de chaque jour, " étalons le vent ". »
Mais le développement de la pratique de la voile au sein de la FSGT s’effectue évidemment après la Seconde guerre mondiale. Elle s’appuie sur la convergence de l’action de plusieurs acteurs : les Comités d’entreprises (instaurés en 1945), et donc souvent les syndicats, l’essor des bases de loisirs de l’UCPA et du tourisme populaire ainsi que l’engagement de certains Comités en région parisienne ou en bord de mer sur ce thème.
En avril 1969, SPA (Sport et plein air), la revue de la FSGT, évoque par exemple une réunion sur le nautisme organisée au Havre. « Un examen très large et collectif a permis de regrouper les efforts sous l’égide de la FSGT : inclusion des sections de voile des grosses entreprises dans les clubs omnisports, création d’un club de voile animé par Tourisme et travail*, et qui rassemblerait les petites entreprises, constitution d’une Commission régionale de voile », lit-on dans ce numéro.
« En donnant forme, dans ce cas particulier à la conjonction des efforts de Tourisme et travail et de la FSGT, ces dispositions ouvrent des perspectives plus importantes que leur objet propre. »
CE et bases nautiques
Les initiatives se multiplient comme on peut le remarquer dans le SPA de mai 1963 :
« Pour la première fois une Coupe Travailliste de voile sera organisée dans le Comité de l’Île-de-France le 6 juillet. L'initiative de cette épreuve revient à nos amis de la Snecma-Sports [le club corpo’ de la société Snecma désormais devenue Safran aircraft engines] qui, depuis plusieurs années, œuvrent pour mettre ce sport à la portée des travailleurs. Ce sont eux qui auront donc la charge d’assurer la préparation et le déroulement [de la Coupe] en liaison avec la Commission nautique de la FSGT. »
Symboliquement, la tenue de ce type d’épreuve permet de donner sens à la voile au sein du sport populaire. « Cette manifestation sportive est d’une très grande importance parce qu’elle rompt avec un passé qui maintenait le " yachting " essentiellement dans un milieu " aisé " et parce qu’elle va permettre à de très nombreux sportifs et clubs de la FSGT de découvrir une activité passionnante et nouvelle », lit-on dans le même article.
« Le Comité de l'Île-de-France de la FSGT invite donc tous les clubs qui possèdent déjà une section voile à l'inscrire sans tarder pour cette régate. »
Les résultats sont au rendez-vous et, deux ans plus tard, le secrétaire de la Commission de voile du CIF (Comité de l’Île-de-France), peut présenter un bilan encourageant dans le Sport et plein air de décembre 1965 :
« Durant trois années, le travail essentiel de la Commission nautique (puis voile) a consisté à tenter de résoudre les questions matérielles (base FSGT ou inter-clubs) et à réaliser une compétition annuelle (Régate travailliste) (….) Sans méconnaître notre infériorité actuelle, nous devons suivre notre chemin avec nos propres forces et, éventuellement, avec celles pouvant être trouvées à l’extérieur. C’est dans la pratique et le travail collectif de préparation de nos stages que nous acquerrons la qualité voulue. »
Une école de voile - La base-école de voile du CIF-FSGT - est d’ailleurs mise sur pied à Vigneux-sur-Seine quelques mois plus tard. « Ainsi, le dernier jour très ensoleillé du mois d’avril aura été pour la Commission Voile du CIF l’aboutissement de plus de deux années de discussion et d’élaboration de projets », se félicite-t-on dans le SPA de mai 1966.
« Mais les idées font leur chemin et, aujourd’hui, on peut admirer dans le bassin de la baignade désaffectée de l’US Vigneux à Draveil, les trois Caravelles de la FSGT qui dansent au gré des vagues, en attendant leur prochaine sortie du samedi après-midi. »
Ce qui n’empêche pas l’auteur de l’article (le secrétaire du Comité de l’Île-de-France) de réclamer une véritable politique publique du sport :
« Le développement de la voile, comme beaucoup d’autres sports de pleine nature, ne pourra être résolu que si les collectivités locales et d’entreprises et les pouvoirs publics mettent à la disposition des clubs les installations et les crédits nécessaires. C’est cette prise de conscience, dont chacun doit être imprégné, et l’action qui en découle qui permettront d’aboutir dans un temps plus ou moins long. »
Naviguer s'apprend
Cette volonté de croissance s’accompagne évidemment d’une attention particulière concernant la formation. Durant les vacances de Pâques 1966, un stage national de voile FSGT est par exemple organisé sur la base municipale du Barrou (à Sète, dans l’Hérault).
Dans un reportage sur le sujet, le journal La Marseillaise décrit l’événement en ces termes :
« Un léger mistral gonfle les voiles, nous fouette le visage. Le bateau a franchi le lit du vent. L’équipier borde son foc, gonflé sous la nouvelle amure. Dès que la grand-voile se gonfle à son tour, on peut considérer que le virement est terminé. Le barreur ramène sa barre dans l’axe du bateau et procède au réglage de la grand-voile selon la nouvelle allure. Les choses ne se passent pas toujours ainsi. Mais, cette fois, la manœuvre s’est très bien passée. Vous avez certainement compris, nous sommes sur l’étang de Thau, face à l’est. Là, sur cette splendide étendue d’eau, nous avons pris rendez-vous avec les stagiaires de la FSGT, 45 garçons et filles, 20 Parisiens, quatre ou cinq de Grenoble et du Berry et une vingtaine de jeunes Sétois. »
Dans les années 1970, la voile FSGT rencontre donc un écho certain. « La voile connaît depuis ces dernières années un développement populaire grandissant », confirme-t-on dans le Sport et plein air d’avril 1974.
« À l’actif de certains clubs travaillistes FSGT, de Comités d’entreprises ou d’associations sans but lucratif, on note, au prix d’innombrables difficultés, un élargissement social de cette activité sportive et de loisirs. Les différentes écoles de voile permettent aux pratiquants de s’initier, certains s’orientent vers la compétition de dériveurs légers, d’autres vers le loisir, la promenade en voilier dans la limite évidemment de leurs possibilités financières, ou dans celle que peut leur offrir les clubs existants (…) Deci, delà, des clubs travaillistes commencent à acquérir un, voire deux ou trois bateaux habitables ; d’autres aspirent à développer, au-delà de l’initiation en dériveurs et parallèlement à la régate : la croisière. »
En janvier 1980, la revue fédérale dresse un nouveau panorama satisfaisant de cette « activité relativement importante dans la fédération ». Au total, SPA recense « sûrement près de 2 000 personnes concernées par la voile à la FSGT dans une quinzaine de clubs et nous ne connaissons pas tout. »
Si la voile FSGT va être confrontée à la spectacularisation et la commercialisation de cette pratique (parfois même avec le besoin, pour certains, de se positionner à ce sujet comme en 2005 lorsqu’un club d’entreprise de la Fédération vient soutenir le bateau de sa société au départ de la célèbre Transat Jacques Vabre), elle est toujours bel et bien vivante et est aujourd’hui proposée au sein de 31 clubs et de onze Comités départementaux.
La photo : Troisième édition du Bain de Noël en 1949
Des sourires éclatants, des jeunes, filles et garçons mélangés qui attendent de se jeter à l’eau dans la baie des Anges. Nous sommes sur la Promenade des Anglais à Nice, en 1949, et tout ce beau monde s’apprête à participer à la troisième édition du Bain de Noël organisé par le puissant Comité FSGT local. Né à la Libération, alors que la ville des Alpes-Maritimes est dirigée par Virgile Barel (communiste, résistant et président d'honneur du Comité), cet événement annuel est devenu une des initiatives les plus célèbres de la Fédération. Pour en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à aller regarder la vidéo Le Zoom FSGT - HISTOIRE - Le Bain de Noël de Nice.
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