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Paris 2024 I « Paris sera la capitale du monde & de ses problèmes »

Dernière mise à jour : 26 avr.

Jean-Baptiste Guégan est le coauteur de l’ouvrage La guerre du sport, une nouvelle géopolitique (éditions Tallandier). Dans cet entretien, il nous explique pourquoi les JOP de Paris 2024 tiendront une place si importante cet été.

© Paul Burckel

Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 possèdent-ils une spécificité dans le contexte actuel ?

 

Jean-Baptiste Guégan : Les JOP sont évidemment porteurs d’enjeux géopolitiques particuliers. Tout d’abord, ils constituent une vitrine pour la France. Le monde entier va se retrouver à Paris et va regarder Paris, il existe donc forcément un enjeu d’image. Comme le monde s’y retrouve, il se produit par ailleurs un condensé des relations internationales. Tous les problèmes du monde vont se concentrer sur les lieux olympiques. Il va donc s’effectuer une exportation de la totalité des conflits mondiaux au même endroit. Paris va être la capitale du monde, de ses problèmes et de ses crises le temps des compétitions. Il existe enfin une dimension de politique intérieure. Rater les Jeux affecterait considérablement la fin de mandat d’Emmanuel Macron et sanctionnerait ceux qui l’avaient en charge, dont le ministère de l’intérieur. La présence d’Israël par exemple, avec la guerre à Gaza, soulèvera forcément des pressions spécifiques, au-delà des appels au boycott et des autres mobilisations, du point de vue sécuritaire. Au sujet de la réussite sportive, il se cristallise une perspective de cohésion nationale dans un pays qui n’a jamais été aussi fragmenté et où l’extrême-droite n’a jamais été aussi forte. En revanche, au niveau économique, les effets des olympiades seront certainement plus limités, même s’il ne faut pas négliger l’aspect « réputationnel » et le soft power.


La participation singulière de la Russie et de la Biélorussie marque-t-elle une rupture ou une continuité dans le positionnement du CIO ?

 

Jean-Baptiste Guégan : Soulignons d’abord la politisation et l’instrumentalisation du sport par les autorités russes et le fait que ce dernier n’a jamais été aussi géopolitique depuis la fin de la guerre froide. La Russie mène ainsi une campagne de désinformation ciblée contre le Comité international olympique, qui pourtant s’était montré plutôt conciliant afin de faciliter le retour des athlètes russes et biélorusses dans le circuit sportif international après les sanctions consécutives à la guerre en Ukraine. La continuité réside dans le retour en force du discours sur la neutralité des JOP, parallèlement avec la réintégration, selon le bon vouloir des fédérations internationales, des sportifs russes et biélorusses. La rupture tient dans le fait que le CIO va devoir assumer ses responsabilités avec des Jeux qui sont de nouveau, quoi qu’il en dise, très politiques. Il existe aussi le risque que les Russes mettent en scène leur absence ou leur présence limitée. Nous nous retrouvons clairement dans cette guerre de l’information qui utilise massivement le sport, puisque son impact réputationnel et son audience demeurent sans commune mesure. En face, le Comité international olympique essaie faire valoir ses propres intérêts politiques et économiques.

 

Les JOP sont-ils essentiels pour le rayonnement international de la France ?

 

Jean-Baptiste Guégan : Pour nos dirigeants, nous jouons les dix prochaines années de croissance et d’attractivité de la France. Réussir les Jeux permettrait de peser sur la représentation mentale des gens et sur l’image du pays qui va être véhiculée. L’image de la capitale est très dégradée si on se fie aux sondages et aux enquêtes d’opinion commandées par les acteurs de l’industrie du tourisme… Un succès de Paris 2024 garantirait de sécuriser les marchés, et de continuer à se positionner au sein de la concurrence européenne et mondiale.

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