Pass’Sport 2025… la grande désillusion !
- La rédaction

- 30 oct.
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Dernière mise à jour : 30 oct.
Suscitant l’incompréhension, la réduction du dispositif a révélé la vulnérabilité du sport associatif.

Depuis la clôture des JOP de Paris à l’été 2024, le sport français accumule les désillusions. Les grandes envolées lyriques de nos responsables politiques, qui promettaient de faire de l’héritage des Jeux le moteur d’une « nation sportive », ne représentent plus qu’un lointain souvenir. La dure réalité des chiffres a pris des allures de douche froide, et la baisse du budget de l’État consacré aux sports illustre à elle seule l’ampleur des renoncements du gouvernement.
Parmi la succession de mauvaises nouvelles, l’annonce en juin dernier de la réduction du dispositif Pass’Sport, dont bénéficiaient plus d’un million et demi d’enfants, figure parmi les plus douloureuses. Rappelons que cette aide, mise en place en 2021, visait à encourager le retour des jeunes mineur·es dans les clubs sportifs après l’épreuve du Covid-19, tout en soutenant des fédérations en grande difficulté à la suite du confinement.
Désormais, cette aide financière ne sera attribuée qu’aux jeunes âgé·es de 14 à 17 ans (pour la saison en cours) percevant l’allocation de rentrée scolaire, ainsi qu’à ceux de moins de 19 ans en situation de handicap et aux étudiant·es boursier·ères. Certes, son montant passe de 50 à 70 euros, mais la tendance est clairement celle de l’austérité. L’objectif affiché reste, en priorité, de réduire les dépenses, le budget global passant de 75 à 35 millions, au prix de l’exclusion d’environ 80 % des gamin·es auparavant concerné·es.
Conséquence directe : les clubs voient leurs revenus chuter. La Fédération française de basketball estime à près de quatre millions d’euros la perte cumulée pour ses 4 000 associations affiliées. Sur le terrain, dans les villages comme dans les quartiers, l’enthousiasme né du succès de Paris 2024 cède de plus en plus la place aux difficultés du quotidien.
Une préoccupation domine : comment continuer à accueillir tous les enfants désireux de pratiquer une discipline quelconque alors que les moyens et le soutien des pouvoirs publics se réduisent ?
L’angoisse des bénévoles et des responsables locaux est remontée jusqu’aux plus hautes instances des fédérations olympiques. Même la Fédération française de football, habituellement discrète sur ce type de sujet, a pris position en publiant sur son site un communiqué sans détour : « Sur les 977 000 licenciés de moins de 14 ans que compte la FFF, 375 000 d’entre eux bénéficiaient jusqu’à aujourd’hui du Pass’Sport. Dès la rentrée prochaine, ils seront exclus du dispositif ». Concrètement, son district de Haute-Garonne s’attend déjà à une baisse des inscriptions comprise entre 10 % et 30 %.
Et les sports collectifs sont loin d’être les seuls impactés. En Côte-d’Or, Jean-Christophe Ebert, responsable administratif et financier du Tennis club dijonnais, déclarait le 24 septembre dernier sur le site de France 3 Bourgogne-Franche-Comté que cette réduction « va diviser par cinq ou six le nombre de Pass’Sport que l’on va prendre cette année ».
La soudaineté de la décision et ses lourdes répercussions ont suscité des remous dans la classe politique, en particulier parmi les élu·es locaux·les. Plus d'une centaine d’entre eux/elles - parmi lesquels Philippe Rio (Parti communiste français), maire de Grigny (Essonne), et Grégory Doucet (Les Écologistes), maire de Lyon - ont adressé une lettre au président de la République et au premier ministre pour demander le rétablissement de l’ancienne version du Pass’Sport. Ils y expriment leur « profonde désapprobation envers cette mesure meurtrière pour l’accès au sport » et dénoncent une « désertion de l’État envers une politique sportive efficace ». De son côté, Bertrand Sorre, pourtant député macroniste de la 2e circonscription de la Manche, a déploré dans un communiqué « une décision qui écarte une tranche d’âge déterminante pour inscrire le sport dans ses habitudes avec les bienfaits qu’il représente ». Difficile de leur donner tort.
Depuis la rentrée, la presse locale et régionale se fait largement l’écho de cette situation, donnant la parole à un sport « d’en bas » en plein désarroi. À Montbrison (Loire), Le Progrès (25/09/25) faisait ainsi écho de la résignation désabusée du Club des sports athlétiques montbrisonnais, qui constate amèrement n’avoir enregistré « que deux Pass’Sport cette année, alors que nous en avions plein l’année passée ». À Foix, le coprésident d'un club de rugby, Sébastien Lozano, déclarait sur France 3 Occitanie le 24 septembre dernier que le dispositif « représentait 40 % des engagements qu’on pouvait avoir ».
Sur France Bleu, le 23 septembre 2025, Mamar Belarbi, coach et gérant du Basso boxing club à Toulouse, relèvait une baisse de 20 % des inscriptions chez les mineur·es. Même constat à la Jeune entente toulousaine, qui comptait l’an dernier 750 footballeurs et footballeuses. Son président, Mohamed Belmelih, insiste notamment sur la dimension économique : « C'est un coup dur pour les familles à qui on propose d'échelonner leurs paiements ».
En effet, du côté des parents, le choc est tout aussi important, particulièrement dans le contexte actuel. Rania, citée dans l'article de France Bleu, a tout de même choisi de réinscrire son fils à l’école de football. Elle estime que « c'est plus bas que terre de toucher aux budgets des familles. C'est difficile aujourd'hui. Déjà qu'un enfant demande beaucoup de choses au quotidien, beaucoup de frais, alors si en plus on nous enlève 50 euros, c'est injuste. »
Dans son édition du 24 septembre 2025, le quotidien local La Montagne relatait le témoignage bouleversant de Sandra, mère célibataire à Clermont-Ferrand. Élevant seule une fille de sept ans et un garçon de onze, et confrontée à des contraintes financières, elle a dû effectuer un choix déchirant : cette année, sa fille ira au centre de loisirs, tandis que son fils poursuivra le football.
« Elle a un peu pleuré », confesse Sandra, « mais je lui ai expliqué que je ne pouvais vraiment pas. Je me demande si les personnes qui prennent ces décisions ne vivent pas dans un monde parallèle. »
Certaines municipalités ont tenté de pallier la situation en mettant en place des aides ciblées, mais ces dispositifs locaux, louables, renforcent en retour les inégalités territoriales d’accès à la pratique sportive. Par ailleurs, la tendance générale demeure à la baisse des budgets consacrés au sport, y compris les subventions, au sein des régions, des départements et des communes. Le baromètre de l’Association nationale des élus en charge du sport souligne d’ailleurs que 43 % des collectivités annoncent une réduction de ces budgets.
Le mouvement sportif tente malgré tout de se faire entendre. Le CNOSF, dans un communiqué diffusé le 17 juillet dernier dresse un constat sans appel : « Le sport se retrouve donc particulièrement touché sur deux années consécutives alors qu’il ne représente que 0,10 % du budget de l’État… » Dans un communiqué adressé au premier ministre, la FSGT dénonce, quant à elle, « cette évolution négative du dispositif [qui] s’inscrit dans un processus d’effondrement des soutiens au sport pour toutes et tous, ce qui devient particulièrement inquiétant, et cela malgré les promesses maintes fois affichées par les pouvoirs publics d’un héritage à venir des JOP de Paris 2024 ». En toute logique, la fédération réclame « de rétablir au plus vite le Pass’Sport pour les enfants de 6 à 13 ans, afin de garantir que les familles à revenus modestes puissent encore inscrire leurs enfants dans les associations et clubs sportifs ». C’est pour cette raison que la FSGT a participé, avec banderole et tracts, aux manifestations du 2 octobre dernier à l’appel de l’intersyndicale, ainsi qu’à la mobilisation du mouvement associatif quelques jours plus tard. Cette dernière était intitulée, à juste titre, « Ça ne tient plus ! ».







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