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Politique | Quel engagement pour les sportif·ves ?

Dernière mise à jour : 29 nov. 2022

En 2022, le sport s’est retrouvé au cœur d’un certain nombre de polémiques, et la Coupe du monde de football au Qatar qui s’ouvre le 20 novembre prochain en est l’illustration la plus criante. Mais quelles peuvent être les attitudes des athlètes de haut-niveau face aux problématiques politiques ou sociétales ?

Footballeur international hollandais, Ruud Gullit n'hésitait à montrer son hostilité à l'Apartheid en Afrique du Sud...

En ce lundi 17 octobre, la cérémonie du Ballon d’or s’achève à Paris. Le Français Karim Benzema a été sacré sans surprise. Cet événement, organisé par le magazine France Football pour récompenser le meilleur joueur de football de l’année évoluant en Europe, est un raout mondain très consensuel pour le gratin du foot professionnel, et il a, cette année, délivré quelques précieux enseignements sur le rôle du « grand » footballeur alors que le monde est secoué de spasmes de plus en plus violents…


Si l’attaquant du Real de Madrid a en effet clôturé son discours de remerciement en expliquant que cette récompense était le « Ballon d’or du peuple », Amnesty international le reprenait de volée le soir même. « La prochaine étape c'est le #Qatar2022 », pouvait-on lire sur le compte Twitter de l’ONG. « Votre parole aussi vaut de l'or : défendez publiquement les droits des travailleurs migrants au Qatar. Et demandez à la FFF [Fédération française de football] de respecter les droits de ces personnes. » Car de cette terrible Coupe du monde qui monopolise l’actualité et qui va démarrer dans quelques jours, il n’a pas été question ce soir-là. Un étrange mutisme au regard de ce qui se dit depuis plusieurs mois en dehors des murs du théâtre du Châtelet !


Lors de cette soirée, un prix de l’engagement, dit « Sócrates », du nom d’un ancien joueur du Brésil qui s’était dressé contre la dictature dans son pays dans les années 1970, a toutefois été décerné. Il a été attribué à Sadio Mané, international sénégalais, pour ses œuvres caritatives dans son pays. Tout un symbole.


Heureusement que Raï, le frère de Sócrates, a remis un peu de sens et de contexte en rappelant que le Brésil allait affronter un choix électoral important prochainement et que le cœur de son aîné décédé en 2011 n’aurait certainement pas penché en faveur de Jair Bolsonaro, l’actuel président, nostalgique du régime des militaires et candidat pour un nouveau mandat.


Une prise de parole salutaire quand on sait qu’aujourd’hui des footballeurs brésiliens célèbres tels que Neymar (jouant au Paris Saint-Germain) ou Lucas Moura (évoluant à Tottenham) ont justement appelé à voter pour le candidat réactionnaire. « Lula soutient tout ce à quoi je suis opposé », dira le second sur Youtube en septembre pour justifier son choix. « L'idéologie de gauche, le socialisme et même le communisme qui n'est rien d'autre que du nazisme. »


Du Qatar à l’Iran…

Cette question de l’engagement des sportifs et des sportives a aussi trouvé une caisse de résonance à la suite des récentes déclarations de la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, à propos de « Bleus » poussés à s’exprimer sur les problématiques liés à la future Coupe du monde. « Les joueurs de l'équipe de France ne sont pas des hommes politiques, ce ne sont pas des fonctionnaires du Quai d'Orsay, ils sont là pour jouer », estimait-elle sur France Inter le 25 septembre.

« Élever leur niveau de conscience, ça me semble souhaitable, mais sans leur en demander trop. »

Un point de vue qui a suscité de nombreuses réactions, comme si le footballeur se voyait délesté de sa dimension citoyenne. Et notamment celle de Vikash Dhorasoo, lui-même ancien international français, joueur de football autoarbitré à 7 en FSGT et candidat à la dernière municipale de Paris avec La France insoumise. La veille, il avait d’ailleurs signé une tribune intitulée « Footballeurs, nous aussi, on se lève et on se casse » dans Libération. Dedans, il invitait les salarié·es à crampons à « désobéir » et à « bousculer le vieux monde des instances telles que la FFF ou la Fifa [Fédération internationale de football association] ». Sur France 5 le 27/09, il enfonça le clou, vantant même les vertus de la levée en masse :

« À chaque fois qu’ils font des choses de façon collective et organisée, ça paye ».

Cependant, c’est surtout l’actualité qui a rattrapé la ministre. Le 27 septembre, la sélection iranienne de football affrontait le Sénégal lors d’un match amical organisé dans un village autrichien alors que, en Iran, un vaste mouvement de contestation ébranlant le régime au nom du droit des femmes est violemment réprimé.


Au moment de l’hymne, les joueurs iraniens, portant une parka noire, restent silencieux et tête basse. Sur Instagram, Sardar Azmoun, international évoluant au Bayer Leverkusen, expliquera après le match leur attitude et surtout leur refus de céder aux menaces d’être écartés du groupe qui se rendra au Mondial :

« Un petit prix à payer pour ne serait-ce qu'une seule mèche de cheveux d'une femme iranienne. Je n'ai pas peur d'être évincé. Honte à vous d'avoir si facilement tué le peuple, et vive les femmes d'Iran. »

Cité sous couvert d’anonymat par So Foot le 3 octobre, un autre membre de l’équipe indiquait que les joueurs voulaient « jouer le match avec un maillot noir, mais la Fédération ne nous a pas laissés faire. On a donc utilisé des vestes noires pour montrer notre soutien au peuple. Le noir symbolise la tristesse, c’est la couleur que l’on porte pour des funérailles. Nous sommes avec notre peuple, et nous voulons qu’il le sache car il est mis sous pression par le gouvernement. C’est pourquoi nous leur montrons que nous les soutenons et que nous sommes avec eux, mais on a peur d’être arrêtés. »


L’engagement de ces footballeurs amplifie surtout la portée d’une contestation que le pouvoir essaie d’étouffer, notamment en bloquant les réseaux sociaux. « Il y a une aura intellectuelle autour des cinéastes ou des écrivains qui prennent la parole. Mais le football, c’est une audience populaire, ce n’est pas tout à fait pareil. Ça a presque plus de conséquences en termes d’affichage », assurait David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques, à France Info le 28 septembre.

« C’est un élément de plus, qui traduit le fait que cette protestation vient des profondeurs de la société iranienne. Ça traverse toutes les couches de la société, et on y retrouve le sport. C’est une crise sociétale que traverse l’Iran. »

Dernier rebondissement en date : le cas de la grimpeuse iranienne Elnaz Rekabi, qui avait participé, tête découverte, aux Championnats d’escalade d’Asie en Corée du Sud le 16 octobre. Si elle a tenu à préciser, peut-être par peur des répercussions à son retour au pays, que ce geste n’était pas intentionnel, il a été reçu à travers la planète et en Iran comme porteur d’une forte signification revendicatrice. Une inquiétude s’est d’ailleurs emparée du monde sportif quant à son sort une fois rentrée au pays, notamment après que la légende du foot Ali Daei se soit vu confisqué son passeport pour ses prises de position.


… en passant par l’écologie !

Autre sujet, mais finalement pas si éloigné : le climat. Alors que tout le monde était resté bloqué sur les rires du footballeur français Kylian Mbappé après la blague sur les chars à voile de son entraîneur au PSG Christophe Galtier, les prises de positions de sportifs et de sportives se sont multipliées depuis. Elles interpellent directement le système compétitif et plus seulement la responsabilité individuelle de chacun·e.


Dans une tribune sur la voile parue dans L’Équipe le 9 octobre, Simon Fellous (chercheur en écologie), Adrien Hardy (navigateur), Arthur Le Vaillant (navigateur), Stanislas Thuret (navigateur) et les membres du collectif La Vague écrivaient que « dérèglement climatique, la pollution et la destruction de la biodiversité sont aujourd'hui des évidences. Partout, des initiatives émergent pour créer un futur désirable, sobre et soutenable pour tous. Nous aussi, navigatrices et navigateurs, professionnel·les de ce sport aux valeurs extraordinaires, devons faire notre part. La voile, symbole de courage et d'innovation, en symbiose avec la mer et les éléments naturels, ne peut être en retard sur l'Histoire. L'aventure aujourd'hui est aussi d'inspirer un monde nouveau. Un monde dans lequel les ressources naturelles sont utilisées avec parcimonie et la biodiversité préservée. Un monde dans lequel États, entreprises et citoyens sont acteurs du changement. »


La décision d’accorder l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver à l’Arabie Saoudite quelques jours plus tôt a de même provoqué, enfin, un début de trouble ! Une absurdité culturelle et une folie écologique provoquant de la sorte une incompréhension de la part des principaux concerné·es.


Ainsi Benjamin Cavet, skieur acrobatique français spécialisé dans les épreuves de bosses, confia son incompréhension dans les colonnes du Dauphiné libéré le 10 octobre : « L’Arabie Saoudite, c’est tellement flagrant que ça fait réagir les gens ».


« Quand je vois tous les efforts que j’essaie de mettre en place pour essayer de préserver l’environnement, eux ils vont clairement à l’encontre de tout ça et du coup je me dis que si même les grandes instances ne jouent pas le jeu, on ne s’en sortira jamais », jugeait sa collègue Perrine Laffont dans le même article.

« Des décisions comme ça, c’est irréel. Je n’ai jamais eu envie de skier dans le désert (...) De voir encore des décisions qui tombent du ciel comme ça, c’est une catastrophe. »


Comme nous l’avons vu dans le passé, avec le combat contre l’Apartheid en Afrique du Sud par exemple, l’engagement des athlètes de haut-niveau ne peut prendre tout son rôle que lorsqu’il s’inscrit dans des mouvements politiques et sociaux plus vaste. À nous, donc, de les provoquer…

 
CDM Qatar 2022 : La FSGT communique

La prochaine Coupe du Monde de football va bien- tôt débuter au Qatar. À ce sujet, la FSGT a publié un communiqué de presse intitulé « La coupe est pleine » et que nous reproduisons ici : « Du 20 novembre au 18 décembre 2022 se tiendra la Coupe du monde de football de la Fifa [Fédération internationale de football association] au Qatar. Plus que jamais, la FSGT entend faire vivre les vraies valeurs d’un football populaire, inclusif et solidaire. Après la Russie en 2018 et avant l’édition de 2026 reliant Canada, États-Unis et Mexique tout aussi désastreuse sur le plan écologique, la Fifa fait une fois encore le jeu de l’argent roi. Au-delà de cette édition de 2022, c’est tout un modèle qui est à revoir ! Selon une enquête du journal anglais The Guardian, 6751 ouvriers venus du Népal et d’Inde seraient morts de 2010 à 2020 sur les chantiers de la Coupe du monde en raison de conditions de travail dignes de l’esclavage moderne et de l’impossibilité de se syndiquer. Le Qatar s’illustre par des discriminations que l’attribution de la coupe du Monde n’aura absolument pas fait évoluer. L’ONG Amnesty international dénonce l’atteinte aux droits des femmes et personnes LGBTQIA+. Les femmes sont sous tutelle de leur mari et l’homosexualité est interdite, sous peine de 7 ans de prison ! Le Qatar, c’est également la médaille d’or du dérèglement climatique avec un record du monde de bilan carbone par habitant de 37 tonnes chaque année. En France, le mouvement sportif est invité à réduire de 10% sa consommation d’énergie, les piscines ferment, et au Qatar sept méga stades seront entièrement climatisés pour accueillir 32 équipes nationales. Rappelons également que l’attribution de cette coupe du Monde fait l’objet, dans plusieurs pays du monde, d’enquêtes judiciaires. Aussi, le 17 novembre 2022, la FSGT organisera une soirée d’échanges pour donner de la voix à un football populaire et solidaire ! Plus d’informations à venir sur nos réseaux sociaux. »

 


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