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Crise énergétique l Qui va payer la note du sport populaire ?

Quand le prix de l’électricité devient un poids insoutenable pour une ville, les infrastructures sportives sont malheureusement parmi les premières à fermer… Face à une sobriété énergétique dont tout le monde reconnaît la nécessité, quels efforts et surtout quelles priorités accorder au sport populaire ?


L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a provoqué une grave crise énergétique en France et en Europe cet hiver. Nous avons assisté à une hausse du coût de l'électricité et, outre les ménages, cela a placé les collectivités dans une situation financière délicate. Ce que les usager·ères des installations sportives ont rapidement constaté...


Commençons par ceux et celles qui se jettent régulièrement à l’eau. Depuis cinq mois, 70 % des piscines ont baissé leur température d'au moins un degré afin de réaliser des économies sur les factures énergétiques annonçait le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques en février dernier. La sensation saisissante que certain·es ont pu ressentir en se glissant dans l’eau n’était donc pas qu’illusoire !


Le phénomène ne concerne pas que les nageurs·ses. Comme l’écrivait le site 20 minutes le 07/02/23, « beaucoup de villes ont ainsi décidé de baisser la température de chauffage de leurs installations (…) À Lille, par exemple, les gymnases affichent désormais une température de 14°C, portée à 16°C pour les activités se pratiquant pieds nus. »


C’est même pire à Valenciennes où les enseignant·es d’EPS ont été « contraints d’annuler des cours pour éviter que les élèves soient frigorifiés » face au « refus de la ville de chauffer les salles de sport autrement qu’en mode “ hors gel ” ». « Avant les vacances de Noël, nous avons relevé 4°C au gymnase », affirmait une professeure. Pour lutter contre le froid, les élèves ont d’ailleurs été « forcé·es » de réaliser des disciplines très physiques comme le futsal ou le crossfit. Activités qui ne figurent pourtant pas au programme et qui ne sont pas forcément accessibles à tou·tes.


À Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne), la mairie avait même décidé de fermer les deux gymnases de la commune pendant les vacances de la Toussaint. Une « mesure destinée à alléger la facture énergétique de la commune », expliquait Le Parisien le 26 octobre 2022, mais que les associations sportives laissées sur le carreau assuraient évidemment ne pas comprendre.


Et l’enjeu en devient parfois politique. « Dans un courrier adressé au maire de Belfort, le groupe de gauche " En commun pour Belfort " s'interroge de voir certains gymnases fermés pendant les vacances scolaires au nom des économies d'énergie », révélait France Bleu le 8 février dernier.


Il s’agit malheureusement d’une tendance générale… Citée par La Gazette des communes (22/02/2023), une enquête, réalisée sous l’égide de l’Association des maires de France, de France urbaine et de l’Andes (Association nationale des élus en charge du sport), a effectivement permis de constater que 81 % des collectivités interrogées avaient baissé d’au moins deux degrés la température des gymnases. Il faut dire que le chauffage représente quasiment la moitié, 43 %, de la consommation énergétique du secteur sportif.


Le sport, élève modèle…

Cette situation représente un des effets immédiats du plan sobriété du gouvernement visant à réduire, dans un premier temps, de 10 % les consommations d’énergie pour 2024. Le 21 février dernier, un point d'étape a été présenté par les ministères concernés et, comme on a pu le voir quelques lignes plus haut, le sport s’avère donc être un grand contributeur…

Quelque chose de tout à fait normal selon la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (interrogée par Sport et plein air dans son numéro 666) Amélie Oudéa-Castéra :

« Si, à l’échelle du pays, le secteur sport représente moins de 1 % de la consommation énergétique totale, le poids économique et, peut-être plus encore, la visibilité médiatique et symbolique du secteur, lui confèrent une responsabilité toute particulière ».

Pour sa part, la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher se réjouit que « sur les 40 mesures du plan de sobriété énergétique du sport, 31 sont appliquées ou en cours d’application, trois nécessitent un suivi renforcé et six restent à enclencher ».

Du côté du sport professionnel, on veut aussi être un bon élève. L’éclairage a par exemple été réduit avant et après 99 % rencontres de football et de rugby (pas pendant cependant, afin de garantir la qualité des retransmissions télévisuelles). « De la même façon, parmi les 47 % de clubs qui recourent au chauffage au sol des pelouses de football professionnel, 80 % ont réduit leur utilisation », apprenait-on dans La Gazette des communes.

« Et 55 % des utilisateurs de luminothérapie ont diminué de 42 % leur consommation. »

… mais jusqu’à quand ?

Les collectivités locales, elles, regrettent surtout l’absence de soutien économique de la part de l’État, quant à la capacité de disposer « d’équipements sportifs qui répondent aux exigences environnementales », signalait Vincent Saulnier de l’Andes (et toujours dans La Gazette des communes).

« Car 22 % de nos équipements ont plus de 50 ans, ce qui constitue un mur d’investissements. »

Les associations d’élus insistent également sur le fait que les infrastructures sportives représentent en moyenne 15 % des consommations énergétiques des communes, ce qui alourdit du coup une charge déjà écrasante sur leurs épaules. En conséquence, ces dernières réclament davantage d’aides et elles auraient aimé que les crédits dédiés à ces problématiques (la rénovation des piscines et des gymnases) soient gérés au niveau de l’Agence nationale du Sport. Finalement ils resteront entre les mains des préfets…


Comment le sport associatif pourra-t-il fonctionner si les principaux propriétaires publics des installations doivent se décider avec une corde de plus en plus serrée autour du cou ? Et n’oublions pas l’inflation. Car si le sport constitue le « deuxième poste de dépenses des communes, après l’enseignement, et le quatrième pour les intercommunalités », note une récente enquête du groupe BPCE (Banque populaire/Caisse d’épargne), l’inflation, dont la flambée accentue terriblement le prix de l'énergie, « coûterait près d’un milliard d’euros aux communes et 400 millions d’euros à l’intercommunalité sur la seule année 2022, soit un surcoût de 13 % à 14 % contre 8 % pour les départements et les régions ». Le groupe BPCE alerte sur le fait que ce « surcoût inflationniste » constitue dorénavant une « menace pour le service public dans le sport ». Et, sur ce front, l’évolution actuelle de l’économie ne laisse pas présager d’éclaircies en 2023…


 

Les sports de montagne face au réchauffement climatique

« Notre sport est en danger ». Dans une lettre ouverte publiée le 12 février, 142 skieurs·ses internationaux·ales, issu·es de différentes disciplines (ski alpin, freestyle, freeride etc.) de sports de neige mettent la pression sur la Fis (Fédération internationale de ski) à propos du dérèglement climatique. « De plus en plus de compétitions sont annulées faute de neige (...) bientôt il ne sera plus possible de produire de la neige artificielle sur plusieurs sites habituels de Coupe du monde vu l'augmentation des températures », peut-on lire dans une tribune préparée par l'association Protect our winters. En effet, il est difficile de ne pas être heurté, comme l’écrivait le quotidien Le Monde début février, devant les « images des épreuves d’Adelboden, le temple suisse du slalom géant, disputées sur un ruban blanc de neige - fabriquée tant bien que mal en l’absence de froid - au milieu de prairies verdoyantes (...) Il faisait 10°C le 5 janvier, à l’avant-veille du géant sur la Chuenisbärgli, la piste située à 1 300 m d’altitude. » En France, environ 150 000 m³ d’eau - l'équivalent d’une cinquantaine de piscines olympiques – ont été consommés à Courchevel-Méribel dès le mois de novembre pour blanchir les pistes en vue des Championnats du monde de ski ! Pour changer la donne, il faudrait commencer par repenser le système économique de ce sport. Mais le problème est que la Fis ne contrôle pas son calendrier car elle « n’est pas propriétaire des droits TV », s’énervait le champion français Alexis Pinturault, toujours dans Le Monde. « Sinon, on aurait pu organiser une seule tournée américaine et s’économiser des vols coûteux en carburant. » NK

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