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Dr Justine Liewig l « Troubles psy : le sport pour aider les ados »

Dernière mise à jour : 12 avr.

Comme pour les adultes, le traitement des troubles psychiatriques des adolescent·es passe avant tout par des médicaments et de la psychothérapie. Mais les activités physiques et sportives peuvent également jouer un rôle essentiel dans le processus de rétablissement des jeunes… Psychiatre au sein du Groupe hospitalier nord-Essonne, la docteur Justine Liewig nous explique pourquoi.

© Paul Burckel

Quels sont les différents troubles rencontrés dans le service de psychiatrie de l’adolescent du Groupe hospitalier nord-Essonne ?

Dr Justine Liewig : Dans notre dispositif, nous accueillons un panel de troubles psychiatriques. On retrouve des jeunes touchés par des troubles psychotiques comme les troubles schizophréniques, des troubles de l’humeur (épisodes dépressifs et troubles bipolaires), des troubles anxieux (des attaques de panique en passant par les phobies) et des troubles du stress post-traumatique susceptibles de survenir à la suite d’un événement choquant. Ces troubles peuvent se compliquer et provoquer des conduites auto-agressives (à l’instar des scarifications), des comportements externalisés (crises clastiques violentes, agitation, etc.), la consommation de produits toxiques et/ou des tentatives de suicide. Et toutes ces situations cliniques entraînent évidemment des répercussions fonctionnelles majeures sur le quotidien des adolescents : déscolarisation, conflits avec les parents et/ou les amis, isolement…


Comment ces troubles sont-ils soignés ?

Dr Justine Liewig : Comme chez les adultes, la prise en soin des troubles psychiatriques des adolescents est multidisciplinaire. Nous possédons notamment des traitements médicamenteux spécifiques et un arsenal psychothérapeutique à disposition de toute la famille (pour ne pas se focaliser sur « l’enfant symptôme »). Si elles sont essentielles, ces deux approches ont néanmoins des limites. La psychothérapie est souvent négligée par manque de temps, la peur de la stigmatisation, la méfiance des parents vis-à-vis du thérapeute et, bien souvent, la difficulté du jeune à reconnaître ses troubles comme étant pathologiques. Quant aux médicaments, ils sont souvent pourvoyeurs d’effets secondaires handicapants au quotidien… Il est donc indispensable de pouvoir développer de nouvelles approches qui, associées aux traitements principaux, permettent d’optimiser le rétablissement d’adolescents dont la qualité de vie est fortement impactée. Ces nouvelles approches peuvent être des médiations artistiques, comme l’art-thérapie ou le théâtre, et/ou une pratique sportive !


L’activité physique entre donc dans le processus de guérison des troubles psychiatriques des ados… Comment l'explique-t-on ?

Dr Justine Liewig : On le sait : une pratique sportive régulière à tout âge de la vie contribue à la prévention et la prise en charge des maladies cardio-vasculaires, des cancers ou du diabète. Mais ces dernières décennies, différentes études ont également révélé une corrélation positive entre l’activité physique et la santé mentale. Un consensus sur le sujet est même dorénavant bien établi. Si les mécanismes qui sous-tendent cela ne sont pas clairs, on pense que la réalisation d’un sport combattrait l’inflammation chronique qui participerait à l’émergence de certaines pathologies mentales. Je me souviens d’ailleurs d’un ancien patient de 16 ans. Grand sportif ayant décompensé un trouble schizophrénique, il était paralysé par ses pensées et ses angoisses et avait arrêté toute activité par manque d’envie. Mais la reprise du sport, accompagnée d’un traitement médicamenteux, a grandement amélioré son état. Permettant d’augmenter les performances cognitives (capacités attentionnelles et fonctions exécutives) et scolaires, l’activité physique sert aussi à diminuer l’anxiété et à avoir une meilleure estime de soi. Elle est donc très importante pour lutter contre la dépression, deuxième maladie la plus rencontrée par les enfants et les adolescents. Enfin, concernant les troubles du stress post-traumatique, la pratique sportive serait positivement corrélée avec la résilience individuelle et le bien être subjectif. Un jeune individu ayant subi un événement choquant pourra ainsi retrouver une qualité de vie normale en associant l’activité physique à ses traitements !


Est-ce que certaines activités physiques sont à favoriser ?

Dr Justine Liewig : Tous les sports sont intéressants, mais les exercices d’aérobie réalisés dans les disciplines d’endurance ont montré une certaine efficacité pour lutter contre l’inflammation chronique évoquée dans ma réponse précédente. Sollicitant l’ensemble du corps sur une durée prolongée, la course à pied, la marche rapide, la natation, le patinage, le ski de fond, le vélo ou encore la danse, pour ne citer qu’eux, diminuent également la sévérité des symptômes dépressifs, particulièrement ceux résistants à plusieurs lignes médicamenteuses. Ils ont donc le potentiel pour stimuler positivement des changements cérébraux.


Ces activités physiques nécessitent-elles un encadrement particulier ?

Dr Justine Liewig : Pour des adolescents avec des traitements médicamenteux en cours, il est nécessaire de réaliser un bilan (examen cardiologique, analyses sanguines…) avant la reprise d’une pratique sportive, d'autant plus s’il existe des antécédents médicaux particuliers chez eux. Ensuite, il est important d’avoir une pratique encadrée par des professionnels soignants et/ou des animateurs sportifs formés dans un premier temps. Enfin, en raison des effets secondaires de leurs traitements médicamenteux, certains jeunes prennent parfois du poids. Les encadrants devront respecter le rythme de chacun et augmenter progressivement l’intensité des séances.


Vous parlez de prise de poids liée aux traitements médicamenteux… Est-ce que les adolescent·es ne peuvent justement pas la « combattre » par une activité physique ?

Dr Justine Liewig : Évidemment ! Comme le principal effet secondaire de la majorité des psychotropes (antidépresseurs, neuroleptiques, etc.) est la prise de poids, il arrive que des jeunes soient réticents à l’idée de les prendre. Or la première cause de rechute d’une pathologie psychiatrique est justement un arrêt précoce des traitements médicamenteux… Une pratique sportive permet donc d’éviter cette prise de poids et limite également d’autres effets secondaires (augmentation du tour de taille, hypertension artérielle, résistance aux effets de l’insuline, diabète, cholestérol ou encore troubles du sommeil et de la digestion). Pour l’ensemble de ces raisons, et bien d’autres, le sport est incontestablement une étape clé dans le rétablissement d’un jeune individu souffrant d’un trouble psychiatrique.


Enfin, est-ce que les activités physiques permettent de prévenir l'apparition de certains troubles psy chez les ados ?

Dr Justine Liewig : De nombreux processus pro-inflammatoires (maladies chroniques, événements traumatiques de l’enfance ou encore infections récurrentes) pouvant mener aux pathologies mentales des jeunes et des moins jeunes, la lutte contre l’inflammation chronique par le sport est une piste de plus en plus explorée. Une étude récente (Malys et Mondelli, 2022) a d’ailleurs montré que la pratique du « Hiit » (High intensity interval training), associée à une alimentation équilibrée et riche en oméga 3 et des thérapies cognitivo-comportementales, pourrait être aussi utilisée dans la prévention de l’apparition des maladies psychiatriques. Mais les recherches continuent…


 

Le sport pour prévenir la maladie de Parkinson !

Deuxième pathologie neurodégénérative la plus fréquente au monde, la maladie de Parkinson peut provoquer des tremblements de repos, de la raideur et de la lenteur dans les mouvements, mais également des troubles du sommeil et de l’humeur. Les activités physiques et sportives sont très utiles pour lutter contre tous ces symptômes (Sport et plein air en parlait d’ailleurs dans son numéro d’avril 2023) et une étude sur 100 000 femmes menée par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’Université Paris-Saclay et l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, avec l’Institut Gustave Roussy, vient de démontrer que la pratique d’un sport permettait aussi de prévenir l’apparition de cette pathologie ! En effet, les chercheurs et chercheuses ayant travaillé sur cette étude de 29 ans ont observé que « plus les participantes étaient actives au cours de leur vie, moins elles avaient de risque de développer la maladie », indique l’Inserm. « Ces résultats, à paraître dans Neurology, invitent à considérer la mise en place de programmes préventifs fondés sur l’activité physique chez les personnes à risque de la maladie de Parkinson. »

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