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Hommage à Gilles Rotillon

Dernière mise à jour : 17 août

Membre de la CFME, Yves Renoux rend hommage à son ami, qui nous a quittés le 11 juillet dernier à l’âge de 78 ans.

© Damien Vernet
© Damien Vernet

Gilles Rotillon, économiste de renom, était adhérent à la FSGT depuis 1964, dans un club de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Il fut membre de la commission fédérale montagne-escalade (CFME) de la FSGT dès la fin des années 1960. En 1985, il participa à la création de la Fédération française d’escalade, qui fusionna en 1987 avec la Fédération française de la montagne pour devenir la Fédération française de la montagne et de l’escalade. Gilles y pris la présidence de sa commissions sportive. Toutefois, il fut écarté en raison de désaccords sur la priorité donnée à la compétition au détriment du développement des sites. Dans l’aventure collective de la CFME, il a poursuivi avec opiniâtreté la philosophie défendue par son fondateur, André Koubi, autour du « grimper autonome et responsable à son niveau » et « conduire sa course sans guide professionnel ni bénévole ». Cette vision, il l’a portée avec la complicité de ses camarades, Gérard Lejoliff, Slukova et Louis Louvel, puis avec un bureau parisien mémorable aux côtés de Noël Rotillon, Michel Alexandre, Fanfan Rotillon, Jean-Pierre Knock, Pascale Dubus, Alain Finet ou Michel Coquard. Une des contributions majeures de Gilles résida dans sa capacité à mener une analyse concrète des obstacles à la popularisation d’une pratique autonome de l’escalade et à proposer des innovations pratiques tangibles, mobilisatrices  pour l’engagement militant dans la création des communs de l’activité, et susceptibles de percoler dans la société et le monde. Quelques exemples particulièrement marquants sont visibles dans le documentaire Des Montagnes dans nos villes de Damien Vernet, ainsi que dans le film Les Prophètes de l’escalade de Marie Linton.

 

Un militant de l’escalade populaire

 

En 1977, à Hauteroche, en Côte-d'Or, Gilles Rotillon prit part au projet de l'équipement d'une falaise sportive, compatible avec la grimpe en tête dès l’entrée dans l’activité et également compatible avec la conquête, par chacun·e, du stade de premier de cordée sans attendre des années en position second. En quelques décennies, cette innovation - si décriée à l’époque, objet de sarcasmes, d'insultes, voire de sabotages - est devenue progressivement la norme dans le monde de l'escalade. Entre 1978 et 1982, Gilles et Jean-Marc Blanche ont joué un rôle moteur dans la promotion et l’émergence en France du concept des murs d’escalade et de celui des blocs d’escalades mobiles. Cela s'est concrétisé en 1982 par la construction du mur d’escalade de Corbeil, puis de nombreux autres murs, et en 1981 avec la création de blocs d’escalade mobiles pour la Fête de l’Humanité. Cette idée a d'ailleurs été rapidement récupérée par la logique marchande avec la prolifération de salles privées et lucratives. De 1984 à 1986, Gilles a joué un rôle de catalyseur. D'une part avec les stages Maurice Gratton et, d'autre part, à travers l’écriture du livre L’Alpinisme, laisse béton, écrit avec Louis Louvel. Ayant incité les militant·es à entrer dans un effort de théorisation, il s’est appuyé sur la sociologie de Pierre Bourdieu pour traduire l’analyse de l’évolution des pratiques et des innovations susceptibles de fonder le développement des conceptions émancipatrices de la FSGT.

 

Penser la grimpe dans son époque

 

Jusqu’au dernier moment, Gilles Rotillon est resté engagé dans cet effort de théorisation et de formation militantes. Il a notamment participé à la création du collectif Sport initiative communiste, inspiré par l’œuvre du philosophe Lucien Sève, et cette dernière saison, il a activement contribué à la création de l’Université du sport populaire, ainsi qu’à l’organisation de ses séminaires d’avril et de juin 2025. Ses interventions, ses nombreuses productions et ses blogs feront date. Qu’il s’agisse de ses écrits sur la portée anthropologique de nos pratiques, sur les questions de l’écologie, sur le mouvement social dans les salles privées d’escalade, sur le mouvement féministe ou sur la gabegie financière, sociale et climatique des Jeux olympiques. Professeur émérite de sciences économiques à l’université Paris-Ouest, il avait multiplié les interventions liant économie et société sur Xerfi Canal. Gilles était également membre des Économistes atterrés et tenait un blog politique sur Médiapart. Enfin, Il était cinéphilie et avait publié, en 2023, Goûts et dégoûts cinématographiques aux Éditions Maïa. Ses compagnons de route retiendront que Gilles Rotillon n’a jamais cessé, jusqu’à son dernier souffle, de populariser une pratique sportive émancipatrice. C’est-à-dire une pratique qui touche à tous les aspects de l’existence, qui accroît la capacité d’agir individuellement et collectivement de personnalités joyeuses et développées, dont la conscience ne se dérobe pas à la nécessité de pratiques radicalement humanistes, pour ouvrir la voie à la sortie d’un mode de production capitaliste aux conséquences catastrophiques.

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