Les feuilles des arbres tombent et les températures aussi : c’est sûr, c’est bientôt l’hiver ! Une période lors de laquelle l’échauffement est encore plus important que d’habitude avant de réaliser une activité physique et sportive en extérieur. Enseignant à l’Université Paris-Est Créteil (Val-de-Marne) et pilote du dispositif « Sport, santé et préparation physique », Thierry Pinjon nous explique pourquoi, et nous livre également quelques pistes pour améliorer cette étape cruciale permettant d'éviter des blessures.
Avant de développer sur l’importance accrue de l’échauffement en hiver, pourriez-vous nous rappeler pourquoi doit-on passer par cette étape avant de réaliser une activité physique et sportive ?
Thierry Pinjon : L’échauffement peut être assimilé à un ensemble de mesures conduisant à un passage progressif d’un état de repos à un état d’activité plus ou moins intense. C’est comme cela que l’individu pourra mobiliser ses ressources physiques et mentales de façon optimale et en toute sécurité. L’échauffement permet l’élévation de la température corporelle. D’une durée pouvant être comprise entre huit et une vingtaine de minutes en fonction de la température extérieure, son objectif est d’amener la température interne à 38,5°C, valeur optimisant toutes les réactions physiologiques impliquées dans l’effort.
L’échauffement joue aussi un rôle sur la température musculaire...
Thierry Pinjon : Oui, l’élévation de cette dernière améliore les propriétés tissulaires et mécaniques locales, la vitesse de propagation de l’influx nerveux et, par ricochet, les réflexes. Lorsque le muscle est froid, sa raideur le rend peu disposé à l’effort car il met du temps à revenir à sa taille initiale après un étirement. Le coût énergétique des mouvements est plus important et ces derniers sont ralentis… Or l’augmentation de la température, grâce à l'échauffement, modifie certaines de ses propriétés tissulaires et notamment sa capacité à retrouver sa forme et ses dimensions après une déformation. Ceci s’explique par une propriété physique de la cellule musculaire que l’on appelle la thixotropie. En effet, le liquide intracellulaire se présente sous forme de gel lorsque le muscle est froid. L’augmentation de la température et des contraintes vont faire que le gel va devenir de plus en plus liquide, diminuant les résistances aux déformations. Ainsi l’échauffement va permettre aux muscles de mieux exploiter leur capacité d’extensibilité ! Enfin, cette étape est également très utile pour se préparer mentalement à l’effort et améliorer sa concentration, et n’oublions pas les étirements qui permettent aux muscles d’optimiser leurs propriétés mécaniques. Il faut plutôt privilégier des étirements statiques courts inférieurs à 30 secondes qui sollicitent la gestuelle dans sa forme la plus spécifique, associés à des mobilisations actives des muscles étirés. Mais des étirements dynamiques sont également très pertinents à l’échauffement.
L’hiver approche à grands pas. Pourquoi l’échauffement doit être encore plus sérieux quand les températures chutent ?
Thierry Pinjon : Lorsque la pratique sportive se déroule dans un environnement froid, le risque de blessure est plus important, en particulier les claquages musculaires ! Cela s’explique par le fait que les températures corporelles et musculaires vont mettre plus de temps à atteindre des valeurs nécessaires à un fonctionnement optimal de l’organisme. En effet, à cause du froid, la circulation sanguine périphérique peut être réduite par une vasoconstriction des vaisseaux qui se traduit par la fermeture des boucles capillaires cutanées et le maintien de la chaleur dans les parties centrales et vitales du corps au détriment des parties périphériques. L’échauffement sera ainsi fondamental pour augmenter les températures corporelles et musculaires et participera ainsi à réduire le risque de blessures…
Vous avez dit que l’échauffement pouvait durer jusqu’à une vingtaine de minutes. Mais comment peut-on savoir que le corps et ses muscles se chauffent correctement ?
Thierry Pinjon : La sudation ou les picotements qui la précèdent peuvent être les signes qui indiquent que la vasodilatation recherchée, la dilatation des vaisseaux sanguins due à l’augmentation de la température, est en train de se mettre en place. À condition de poursuivre encore l’échauffement pendant trois à quatre minutes et de ne pas se découvrir. Il faudra donc être actif plus longtemps en étant bien couvert afin d’éviter au maximum les déperditions de chaleur. L’élévation des températures corporelle et musculaire sera évidemment différente en fonction des contraintes environnementales (intensité du froid, humidité, vent…) et des caractéristiques singulières du sportif, et notons également que l’échauffement devra être très progressif et continu, en veillant à ne pas se refroidir durant d’éventuels temps de pause. De plus, par grand froid, il sera important de bien protéger les mains et les pieds, moins bien irrigués en raison de la vasoconstriction périphérique.
Est-ce que se vêtir correctement permet de mieux s’échauffer, ou du moins plus rapidement, quand il fait froid ?
Thierry Pinjon : En dessous de 5°C, une bonne isolation thermique du corps est nécessaire. Elle contribue à optimiser les effets de l’échauffement et le rendement lors de la pratique sportive en conservant efficacement la chaleur avec un minimum d’humidité. La règle des trois couches peut être appliquée : une première couche au contact de la peau (t-shirt) pour évacuer facilement la transpiration, une seconde couche isolante permettant de conserver la chaleur et enfin une troisième couche protectrice (contre le vent et/ou la pluie), si possible respirante. En cas d’activité physique intermittente, il est nécessaire de penser à se couvrir de manière plus conséquente pour conserver la température corporelle et la température musculaire acquise lors de l’échauffement. La protection de la tête et, comme déjà dit plus haut, des extrémités est également recommandée. Et si porter des vêtements et accessoires adaptés quand on réalise une activité physique en extérieur pendant l’hiver limite les pertes thermiques, cela protège aussi le corps (surtout avec la présence significative de vent ou de pluie) des contraintes environnementales.
On lit à droite à gauche que se frictionner les muscles ou les articulations avec des baumes permettrait de faciliter l’échauffement… Est-ce réellement efficace ?
Thierry Pinjon : Si peu d’études s’intéressent spécifiquement à ce thème, les bienfaits des baumes peuvent cependant être envisagés à travers les effets de l’aromathérapie. Ceux les plus communément utilisés (comme le Baume du Tigre) ont pour objectif de lutter contre les douleurs articulaires et musculaires. Mais il faut s’intéresser aux composants des baumes, et notamment des huiles essentielles. Car selon Jordan Ioualalen, auteur d’une thèse d’exercice en pharmacie relative à l’aromathérapie chez le sportif, certaines huiles essentielles peuvent apporter un gain non négligeable aux athlètes. Le recours à ces huiles, dans le cadre de l’échauffement, peut s’effectuer afin de faire monter plus rapidement le corps en température grâce à la stimulation de la circulation générale et en particulier au niveau musculaire. Apportant une sensation de chaleur, les baumes aideront à la préparation de l’exercice.
De quelles huiles parle-t-on ?
Thierry Pinjon : Les principales huiles concernées sont celles de basilic tropical, de genévrier commun, de lavandin super, de gaulthérie couchée, et de romarin à camphre. Comme pratiquement toutes les huiles essentielles, celles-ci nécessitent d’être diluées dans une huile végétale et doivent être appliquées en massage tonique pour une action rapide et stimulante…
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« Sport, santé et préparation physique » est un dispositif créé en 2000 par le Conseil départemental du Val-de-Marne et l’Université Paris-Est Créteil (Upec). Outre l’organisation de conférences ou d’interventions dans tout le département, ce dispositif propose aussi des articles autour de la connaissance sportive, de l'entraînement et de la préparation physique à travers une newsletter (« La lettre des entraîneurs du Val-de-Marne ») qui paraît dix fois par an. « Si les contenus des papiers ciblent principalement les animateurs sportifs, ils peuvent également beaucoup intéresser des enseignants, des médecins, des kinés, des étudiants ou même de " simples " pratiquants du département ou d’ailleurs », indique Thierry Pinjon, enseignant à l’Université Paris-Est Créteil et successeur de Thierry Maquet, autre enseignant de l'Upec, à la tête de Sport santé et préparation physique. « Rédigés par trois rédacteurs réguliers et une dizaine de contributeurs plus occasionnels, ces articles se veulent accessibles au plus grand nombre afin d’être utilisés et diffusés le plus largement possible. » Parue le 17 octobre, la dernière newsletter du dispositif a par exemple traité du cardio-training, du rôle de la contraction excentrique (un type de contraction musculaire) dans la prévention des blessures et la réhabilitation et, enfin, de la souplesse. Pour s’abonner et recevoir de nombreux conseils utiles chaque mois et/ou consulter leurs archives, rendez-vous sur la rubrique « Newsletters » du site Internet du Conseil départemental du Val-de-Marne (https://www.valdemarne.fr/).
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