Sorte de mélange entre la musculation et la gymnastique, le street workout est en plein essor en France. Mais quels bienfaits cette activité physique et sportive apporte-t-elle à ses pratiquant·es ? Quelles peuvent être les blessures qui en résultent parfois ? Et comment tenter de prévenir ces dernières ? Autant de questions auxquelles cet article tente de répondre.
Vous en avez forcément déjà vu... Tôt le matin, en pleine journée ou même tard le soir, ils et elles sont des dizaines de milliers à se retrouver chaque semaine dans les parcs, les squares ou le long des cours d’eau pour s’adonner à une activité physique et sportive émergente : le street workout !
Pouvant littéralement être traduit par « entraînement de rue » en français, le street workout « se situe à mi-chemin entre la musculation et la gymnastique suédoise et consiste principalement en un enchaînement soutenu de figures », indique Thomas Walgraef de l’Institut de recherche du bien-être de la médecine et du sport santé (IRBMS) des Hauts-de-France. « Pour pratiquer, seul le corps fait office de poids », et des exercices comme les pompes ou les tractions comptent donc parmi ses mouvements incontournables.
« Les premiers amateurs de street workout étaient américains et russes », précise Antoine Lambert, un des responsables de l’association parisienne Villette workout (lire encadré ci-dessous).
« Ils utilisaient par exemple les structures des jardins d’enfants et les bancs autour comme des agrès de sport. »
Aujourd’hui, cette discipline se réalise toujours de manière « sauvage », mais aussi sur des appareils spécialement installés par les municipalités.
Ces derniers se multiplient un peu partout en France car la popularité du street workout y est croissante. Cela s’explique notamment par le fait qu’il apporte beaucoup aux personnes qui se lancent dans l’aventure. « On retrouve approximativement les bienfaits de la musculation et de la gymnastique », explique Thomas Walgraef.
« Il est possible d’améliorer l’endurance musculaire, l’équilibre, la coordination, la force et la souplesse. »
« Tout le corps travaille avec ce sport, mais les muscles qui sont le plus sollicités sont ceux de la sangle abdominale, du haut du corps et des bras », complète Pablo Truptin de l’Espace Éducation à la santé pour tous de la FSGT.
« Les exercices étant souvent très intensifs, cela aide également à développer le système cardio-vasculaire. »
À choisir comme activité sportive principale ou en complément d’une autre (des grimpeur·ses aux footballeur·ses, tout le monde ou presque en profitera), le street workout est aussi accessible au plus grand nombre puisque gratuit, se pratique en plein air (ce qui change de l’ambiance des salles de musculation) et permet la création de liens sociaux entre ses adeptes...
Des blessures, mais...
Mais qui dit sport dit malheureusement risque de blessure... « Au street workout, les pathologies les plus fréquentes sont des contusions musculaires », estime le docteur Christian Caldaguès, médecin du sport et président de la Société française d’ostéopathie.
« Parmi celles-ci se trouvent la contracture, l’élongation et le claquage. »
La contracture se définit par la contraction anormale d’un muscle après un effort exagéré. Accompagnée d’une douleur modérée, cette contraction limite parfois des mouvements, mais se soigne en seulement quelques jours. Allongement trop important de fibres musculaires, l’élongation est provoquée par une sollicitation trop importante du muscle. Cette lésion partielle se manifeste par une douleur soudaine qui est ensuite exacerbée à chaque contraction. Cette blessure est traitée avec environ deux semaines de repos, d’éventuelles séances de kinésithérapie et la prise d’anti-inflammatoire locaux et d’antalgiques.
Quand la déchirure du muscle est totale, il s’agit alors d’un claquage. Lors de cette situation, la douleur ressentie est très violente. Si la lésion est bien confirmée après un examen clinique (voire une échographie) chez un médecin, l’amateur ou l’amatrice de street workout devra obligatoirement s’arrêter au moins plusieurs semaines.
La répétition de certaines figures explosives durant des exercices en suspension sont aussi susceptibles d’entraîner des douleurs pendant et après l’effort au niveau des tendons, ces structures fibreuses qui relient les muscles aux os, des coudes et/ou des épaules. Bien que ces tendinopathies (ou tendinites) se traitent souvent avec du repos (jusqu’à six mois !) et une rééducation fonctionnelle, il arrive qu’un recours à la chirurgie soit nécessaire.
« Attention aussi aux mauvaises réceptions sur le sol qui peuvent provoquer une entorse, une atteinte sur les ligaments consécutive à une torsion d’une articulation trop brutale, du genou ou de la cheville », prévient le docteur Patrick Bacquaert de l’IRBMS. Se décelant par une douleur, un gonflement et un hématome sur l’articulation touchée, l’entorse se soigne avec l’application d’une poche de glace, d’un traitement local anti-inflammatoire et d’un peu de repos pour les cas les plus bénins ou avec une intervention chirurgicale et une longue période d’immobilisation si elle est grave.
Bien que rares, des chutes sur la tête risquent de se produire, et il convient donc d’être attentif·ve à une possible une commotion cérébrale. Les symptômes de cette commotion sont des nausées, une perte de mémoire, des propos incohérents, des fourmillements au niveau des membres et des troubles auditifs et visuels, et elle est en mesure de causer des séquelles irréversibles. Gaffe également aux petits bobos sur les mains, celles-ci étant fortement sollicitées lors des entraînements, et aux insolations.
En effet, les pratiquant·es de street workout sont nombreux·ses à se précipiter sur leurs structures favorites au retour des (très) beaux jours. Mais la survenue d’un coup de chaud, se remarquant entre autres par des maux de tête, des vomissements ou un évanouissement et pouvant conduire à une défaillance cardio-vasculaire, doit toujours être prise en compte, ainsi que des coups de soleil.
... on peut les prévenir !
Si la liste des possibles blessures est longue, pas de panique, de nombreuses techniques permettent de la réduire ! Pendant l’été, il est par exemple conseillé de ne pas réaliser des exercices de street workout l'après- midi, au moment de la journée où la chaleur est la plus étouffante et où le soleil tape le plus, si l’on veut éviter une insolation ou des coups de soleil.
Afin de maintenir une température centrale normale (autour de 37°C) lors d’une activité physique, le corps humain déclenche des phénomènes physiologiques comme la ventilation ou la sudation qui vont évacuer la chaleur produite par l’effort, mais également de l’eau. Jusqu’à trois litres lors de certains efforts intenses... Ces pertes importantes peuvent conduire à une déshydratation qui, altérant le bon fonctionnement des muscles et des articulations, augmente donc les chances de subir une contracture, une élongation, un claquage, une tendinite ou une entorse.
Pour éviter ces désagréments musculaires et articulaires, il est conseillé de boire normalement dans la journée (1,5 L d’eau par jour chez les adultes) pour compenser les pertes naturelles et encore plus lorsqu’on fait du sport. On boit toujours avant d’avoir soif (la sudation est un bon indicateur pour cela) et toujours en petite quantité pour ne pas être gêné∙e durant sa pratique.
Attention aux mouvements inconnus découverts sur une obscure vidéo Youtube et aux mauvaises habitudes à ne pas prendre (« mais concernant cela, un débutant trouvera toujours un pratiquant plus expérimenté pour le guider sur les structures », assure-t-on du côté de de Villette workout) et ne zappez pas l’échauffement ! « Cette étape est primordiale avant le début de chaque séance », confirme le docteur Caldaguès.
« Comptez sur une bonne quinzaine de minutes d’échauffement pour être vraiment prêt. »
« Il est d’ailleurs très intéressant de venir sur le lieu d’entraînement en courant ou en vélo », ajoute Antoine Lambert.
Sur place, il convient de porter des mitaines ou des gants pour se protéger les mains et surtout d’y aller progressivement... « La philosophie du street workout, c’est souvent le dépassement de soi », remarque Pablo Truptin.
« Mais si on va trop fort et trop vite, on risque rapidement de se blesser... La solution passe donc par une véritable écoute de son corps et la progressivité dans les exercices réalisés. Surtout pour ceux qui débutent cette discipline et qui n’ont pas une excellente condition physique. »
Enfin, il est nécessaire d’être attentif à la stabilité des structures sur lesquelles on évolue. « Il ne faut pas se prendre pour Tarzan et éviter les sauts sans sécurisation », conclut le docteur Bacquaert. Pour rester au top de sa forme et continuer à contribuer au développement du street workout !
De l'associatif pour progresser en toute sécurité ?
Sorte de mélange entre la musculation et la gymnastique où seul le corps fait office de poids, le street workout est une activité physique en plein essor en France, mais, comme d’autres disciplines de « rue », elle se pratique souvent hors du cadre associatif... Certains tentent malgré tout de faire changer les choses, et c’est notamment le cas de Villette wor-kout, un club FSGT du 19e arrondissement de Paris comptant plusieurs dizaines de membres ! « On a créé cette association avec plusieurs objectifs en tête », explique Antoine Lambert, un de ses responsables. « Pouvoir proposer régulièrement des ateliers, des initiations ou des compétitions, peser dans le choix des équipements du terrain sur lequel on évolue, notamment pour faire en sorte qu’ils soient accessibles au plus grand nombre, et démocratiser davantage l’activité en se retrouvant autour de notre passion commune. » Selon Pablo Truptin, salarié du Comité FSGT de Paris, le côté associatif pourrait être très intéressant pour convaincre des personnes qui n’oseraient pas franchir le pas : « Il y a déjà beaucoup de bienveillance sur les terrains de street workout concernant l’accompagnement des débutants, mais le fait d’être encadré par une association est quelque chose qui peut rassurer encore plus certains, surtout si les animateurs ont suivi des formations auprès de fédérations sportives ! » Affaire à suivre donc...
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